Livre et poèmes à lire ...


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CERTAINS DIMANCHES SOIRS
 
Certains dimanches soirs, je me souviens de nous,
de nos terres craquelées, des lèvres écartelées.
Les sillons sur nos fronts avaient un goût d'éther,
l'onde dessous nos yeux l'amertume de l'aveu.
Ensemble on a connu tous les cratères de l'ombre,
sombré dans le calice d'un nectar délétère.
Nous étions affamés de nourritures célestes.
Je te voulais plus grand, tu me rêvais déesse.
Je vivais au présent, tu retenais le temps,
comme deux incompris qui redoutent la sagesse.
Le cadran s'est brisé en plein coeur de l'été,
nous n'avions pu fouler les soupirs argentés.
Un soleil qui se meurt engendre la rancoeur,
les planètes qui s'aimantent, un jour se "désenchantent".
Les cieux deviennent hostiles aux amants lacérés.
L'amour foudroie si bien, quand il est mal-aimé.
Tu enflais mes erreurs, je crachais sur ta tombe.
Tu salissais mes pleurs, j'achevais ta mémoire.
Affranchis par la haine, goûtions le purgatoire.
De rages en désespoirs nous devenions blasphèmes.
Nous voir si peu amènes enchantait l'Illusoire.
Ainsi les âmes noires crucifiant leur miroir.
Certains dimanches soirs, je me souviens de nous.
Mais du sable a coulé sur le papier jauni,
et si chaque rosée me parle encore de toi,
c'est pour me rappeler le mortel désarroi
des parchemins froissés, par le vent burinés,
évaporés le soir, comme peaux de chagrin.
Ainsi les âmes mortes profanant le passé.
Ainsi les âmes pressées enterrant les printemps.
Ainsi parfois le temps, traître puis assassin...
 
© Marianne Claret Rausis (août 1998)