SANS PEUR ET SANS REMORDS

 

A l'heure où les hommes frissonnent

sous les regards, sous les on-dit,

je m'en irai vaincre l'automne,

seule, sans peur et sans répit.

Je ferai de ma vérité

un espace de liberté

loin des feuilles frileuses,

qui s'amoncellent le froid venu,

comme de frêles pleureuses

qui ne tolèrent l'inconnu.

 

A l'heure des trompettes qui claironnent

des jugements toujours derniers,

je m'en irai fouler l'été,

fière, sauvageonne et sans piété.

J'effeuillerai mes sentiments,

à l'aube d'une fleur nouvelle,

à la manière de deux amants

qui ne redoutent que la vertu

et se dévorent devant l'autel

pour remercier le petit Jésus.

 

A l'heure des printemps qui grelottent

et des chaumières qui chuchotent,

j'irai chanter ma différence,

loin des remords de mon enfance.

J'éclaterai toutes les barrières

qui nous font l'âme prisonnière,

et sur le sol juste dégelé,

dans la nuit claire, mes pas légers,

qui sans effroi, qui sans repère,

s'envoleront vers la lumière.

 

A l'heure où il fait bon vieillir,

je m'en irai cueillir ma vie,

loin des sermons, des homélies,

là où se moissonne le rire.

Et sans peur et sans reproche,

et sans remords et sans pudeur,

je volerai tel l'oiseau ivre,

narguant l'esclave dans le caveau

qui prie le ciel qu'on le délivre

avant que n'arrive le tombeau.

 

Je planerai telle l'allégresse

à la rencontre des bons jours,

et sans détresse et sans détour,

je m'en irai cueillir l'Amour.

 

© Marianne Claret Rausis