UN JOUR LA POMME...
C'était un jour bien comme il faut,
dans un jardin presque trop beau.
Arrachée à l'ordre, la pomme
devenait germe de discorde.
Désormais, l'homme ramperait,
les yeux sous terre, l'âme aux aguets.
Désormais, il s'acquitterait
de ses viscères, jusqu'au regret.
C'était un jour de trouble entente,
entre des gens bien comme il faut.
Dans le pays de nos ancêtres
venait de naître le Tombeau.
Le pèlerinage originel
serait leur seule destination.
Désormais, ils ne sauraient être
qu'un élan vers l'Absolution.
C'était un jour, il y a longtemps,
un jour lointain, un jour pourtant,
un homme entacha son destin
du sceau paternel du Malin.
Depuis ces faits immémoriaux,
le maléfice tient sa promesse :
Pas une aurore qui ne blesse
dans son linceul le Très-Haut.
C'était hier, c'était demain,
dans mon jardin, dans le voisin,
à chaque morsure de trop
meurt le sang sur notre peau.
C'est aujourd'hui, aujourd'hui
même,
que dans la haine se cultivent
les fruits de l'exil à venir,
les vers de l'humaine satire.
C'était hier, c'était demain.
Hier l'héritage, de mains en
mains,
puis l'édifice, de vices en
vices.
Ainsi se perpétue l'outrage
de notre errance dans les
remparts,
que l'on érige de toutes parts,
sur les terres de notre naufrage,
sur l'amer de notre voyage...
Ainsi se perpétue la rage
d'une Lumière très tôt voilée
par les barrières et les orages
qui volent notre destinée
©
Marianne Claret Rausis - septembre
1998