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Entre peinture et poésie

Peinture et Poésie / Yves Peyré / Gallimard

Un beau volume et une exposition parcourent un siècle de livres où peintres et poètes s’affrontent et se rencontrent.

A côté de l’exposition "Peinture et poésie: le dialogue par le livre (1874-2000)" actuellement présentée à Lyon, Yves Peyré signe sous le même titre un beau volume richement illustré. Il s’agit d’entrée de jeu pour l’auteur d’identifier et d’exalter ce qu’il considère comme un miracle, qui ne cesse de se réitérer depuis plus d’un siècle : l’affrontement et la rencontre d’un peintre et d’un poète, s’exprimant dans un même souffle avec des moyens distincts et personnels, dans l’espace unique d’un livre. Autre chose, donc, que le livre illustré, que l’album, que le livre de peintre.

Peyré choisit de parler de “ livre de dialogue ”. Après quelques développements logorrhéiques et passionnés sur la nature de la rencontre poésie-peinture, Peyré s’attache à parcourir toute l’histoire, toujours en cours, du livre de dialogue, dont il situe l’acte de fondation en 1874-75, avec Le Fleuve, de Cros et Manet, et Le Corbeau, d’après Poe, dans la version de Mallarmé et Manet.Se présentent dès lors les couples Verlaine-Bonnard, Tzara-Miro, Reverdy-Picasso, Du Bouchet-Tal Coat, Eluard-Ray, Gide-Denis, Leiris-Giacometti, Apollinaire-Dufy, Bonnefoy-Asse, et beaucoup d’autres (le catalogue compte 126 volumes), jusqu’à des livres sortis de presse l’an dernier. Le corpus est presque intégralement français et suisse, à l’instar de ce que Peyré nous dit être le domaine où ont vu le jour presque tous les ouvrages qui répondent à ce qu’il cherche.

De livre en livre

Peyré, dans son parcours historique, fait un choix intéressant et difficile : celui de ne pas définir des périodes et des courants généraux, dans le cadre desquels il pourrait ensuite inscrire des démarches ou des réalisations particulières. L’auteur choisit au contraire de passer d’un livre à l’autre, à travers quelque 130 ouvrages, par ordre chronologique, en insistant avant tout sur la profonde originalité de chacun d’eux – mais toujours dans l’écoulement d’une histoire, et dans l’illustration de tout ce qu’a pu être et devenir le “ dialogue par le livre ”. Au fil du texte, ce sont donc de très nombreuses modalités de la lutte et de l’étreinte entre poésie et peinture qui sont ainsi évoquées. Il s’agit pour l’auteur, en s’attachant aux oeuvres prises une à une, de ne pas encercler les objets de son émerveillement dans une typologie, nécessairement réductrice, sans renoncer pour autant à dessiner une histoire du “ livre de dialogue ”. L’entreprise nécessite une remarquable intimité avec un grand nombre d’œuvres, laquelle s’exprime dans une écriture à la fois sincère et excessivement rhétorique.

Accès difficile

L’intention d’écrire une histoire du “ livre de dialogue ” sans céder aux généralisations d’une classification historique est pertinente et remarquable. Le flux rhétorique est en bonne partie excusé par l’enthousiasme qui le conduit. C’est pourtant dans cette conjonction que le texte peut s’avérer difficile à suivre. Peyré court souvent le risque de se mettre hors de portée de son lecteur, ce dont il semble n’avoir cure : ses évocations enflammées de phénomènes artistiques subtils et complexes sont d’autant plus difficiles à saisir que, à moins d’être déjà un bibliophile avéré, le lecteur ne saurait connaître dans leur aspect concret qu’une toute petite fraction des objets dont il est question. Les quelque deux-cents planches en couleur (qui montrent le plus souvent les deux pages du livre ouvert, face à face) ne peuvent que très sommairement aider à l’intelligence des détails du texte. Elles permettent en revanche de saisir intuitivement la richesse de la matière et de la perspective proposée par Peyré – et rendraient d’ailleurs à elles seules ce volume hautement recommandable.

Francesco Biamonte

Livre: Yves Peyré, Peinture et poésie – Le dialogue par le livre 1874-2000, Gallimard 2001.
L’exposition est présentée à la Bibliothèque municipale de Lyon jusqu’au 19 janvier 2002,
puis à Paris (Chapelle de la Sorbonne) du 10 avril au 12 juillet.

 

Page créée le 28.12.02
Dernière mise à jour le 28.12.02

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