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Regards fraternels

Dans son deuxième texte de création, Jérôme Meizoz décline une galerie d’images liquides sur un ton intelligent et tendre. Inabouti malgré tout.

Il y a l’amorce d’un très beau livre, dans ces Destinations païennes, petit volume de Jérôme Meizoz (Zoé), qui aurait mérité de mûrir encore. En vingt-deux textes de deux à trois pages, à la limite de la poésie en prose, l’écrivain lausannois pose autant de regards sur une réalité à la fois délétère et ressentie avec clarté. C’est que le narrateur, comme il nous l’explique, est « à demi-né seulement », et éprouve l’impossibilité de s’engager pleinement dans ce monde, dans ces villes. Alors, il s’y promène, et nous fait part de ses observations.

Portraits d’individus vus de loin, ou fréquentés sans parler, évocations de moments solitaires et délicieux, fantasmes autour de pays vus en photo se succèdent pour construire en miroir l’image d’une conscience rêveuse et le portrait de villes sans nom, qui sont les nôtres. Quelques exclus les parcourent, quelques médiocres, quelques inconnus suscitant sans raison un sentiment de fraternité ; quelques souvenirs d’enfance aussi (la présence des migrants méditerranéens), une permanente aspiration vers le sud, l’Italie, le Portugal. Une sensibilité à l’histoire des choses s’y profile, à la lente et mélancolique construction de cette civilisation dont le narrateur ne peut ou ne souhaite pas faire complètement partie.

Évanescence et précision

Toute la qualité de cet opuscule réside dans le rapport étrange entre évanescence et précision de l’évocation. L’auteur, avec un rythme en tout petits paragraphes et un très beau vocabulaire, trouve vraiment un ton bien à lui, le reflet d’un état de conscience particulier et bien perceptible – d’où l’intimité qui relie ces images et ces pensées.

On regrette toutefois une tendance légère mais chronique à maniérer le texte inutilement (phrases nominales, formules versifiées sans nécessité ni force). Fruit probable d’un juste travail sur une matière d’abord collectée, puis mise en forme artisanalement – mais il manque à l’arrivée un peu de distance. Le second défaut touche à une fin en queue de poisson, dans un livre dont la structure (en trois chapitres, dont le premier et le dernier sont formés de quatre textes seulement) nous fait croire qu’il se veut architecturé jusqu’au bout. On reste suspendu au fil d’un texte coupé abruptement et sans raison, et cette suspension n’évoque rien de particulier – pas même l’évanescence. Intrigante non-chute, comme une seconde trace d’insuffisante distance entre l’artisan et son texte, lequel laisse en bouche le goût d’une publication légèrement hâtive.

Francesco Biamonte

Destinations païennes, Jérôme Meizoz Editions Zoé, 2001

 

Page créée le 28.12.02
Dernière mise à jour le 28.12.02

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