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José-Flore Tappy

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Depuis septembre 2007, Le Courrier, Culturactif.ch et Viceversa Littérature publient en partenariat des textes inédits d'auteurs de Suisse. Ces textes paraissent un lundi sur deux, et sont disponibles soit sur nos pages, soit en dernière page du Courrier ou sur le site de ce quotidien: www.lecourrier.ch


  José-Flore Tappy


José-Flore TappyCollaboratrice scientifique au Centre de recherches sur les lettres romandes (université de Lausanne), José-Flore Tappy a publié cinq recueils de poèmes. En 1997, elle traduit pour la scène le Pierrot lunaire de Schönberg d’après le livret allemand d’Otto Erich Hartleben, interprété en français, et crée parallèlement Pierre eau lune air mis en musique par le compositeur Jacques Demierre. Ce travail est à l’origine de Lunaires.
Alors que ses premiers recueils au lyrisme très maîtrisé disaient l’errance, la révolte et un sentiment d’exil, les plus récents dialoguent davantage avec l’intime; la collectivité s’individualise et la relation humaine l’emporte sur le paysage.
José-Flore Tappy reçoit pour son dernier recueil, Hangars, et l’ensemble de son œuvre, le Prix Schiller en 2007. Les poèmes publiés ici sont extraits d’un travail en cours. bst

Photo © Yvonne Bohler

 

  Le corridor

Obscure, interminable,
sans lampe
derrière les vitres,

la nuit                              

Pourtant même elle
finit par avoir faim,
on l’entend qui s’agite,
se rétracte pour mieux fuir,
soudain se sauve
par les toits

*

Tout occupée avant le jour,
tu laves le sol, en bas,                   
forte à la tâche,
l’eau tu la jettes sur la pierre sale,
la fais glisser, on voudrait l’éponger,
pouvoir t’aider, mais tu vas vite,
effaces en hâte les marques de pas,
les traces noirâtres

Au vent séchera l’humidité,
toutes portes ouvertes,
le vent qui passe sa serviette
grasse, froissée

*

Déjà des deux côtés, 
dans la pénombre qui s’allonge,
tu alignes les vases, les pots vides ;
étroit, le corridor, long comme la nuit,
une nuit sans fin,
éclairée tout au bout
par le verre dépoli
des étoiles

*

Concentrée ou méfiante,               
elle ignore nos appels,
ne lève même pas la tête
quand on s’adresse à elle

Rien ne pourrait la distraire de ses besognes,
le carrelage sous l’eau courante,
les robinets à refermer et l’éternelle affaire
du vent,
comme un foyer où rien n’arrive,
rien, sauf la lumière,
et cette fine couche de  poussière
sur les meubles, qui s’éclaire,
s’allume

*

Mais nous, comment nous orienter,
ne pas trébucher constamment
sur le linge entassé
et les sacs en désordre,
la cour est une grande bouche
difforme
où s’engouffrent les cris

*

Panagia Drossiani

Vierge massive
aux hanches larges
au front de bois
elle pleure
dans les sous-sols

oubliée
sous ces voûtes
depuis quels temps lointains
pour qui
pleure-t-elle
si bas

*

Sur le drap lourd
de ses jupes
l’obscurité grandit

bientôt recouvre
jusqu’à ses pieds
les mots gravés
dans la pierre dure

*

Faut-il pour vivre
ignorer l’ombre
qui se délabre

et cette plainte
à peine audible
qui s’efface
dans la nuit

ou laisser la pensée
tourner
entre ces murs

José-Flore Tappy

 

Retrouvez une note biographique et les publications de José-Flore Tappy sur nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.

 

Page créée le 27.10.11
Dernière mise à jour le 27.10.11

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