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Petites chroniques des chevaux

 

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Raconte les chevaux
Raconte les chevaux (2)
Petite chronique des chevaux au printemps (1)
Petite chronique des chevaux au printemps (2)
Petite chronique des chevaux au printemps (3)

Raconte les chevaux (2)

Encore une fois, ils sont ensemble, elle, lui, à regarder les chevaux. Encore une fois, il lui demande :

— Parle-moi des chevaux, raconte leurs couleurs…

— Celles des chevaux d’Espagne ? ou celles aussi de tous les chevaux ?

— Seulement celles des chevaux d’Espagne. Caballos de Pura Raza Española.

— Tu sais parler en espagnol ?

— Non. Je ne sais vraiment pas très bien.

— Tu aimerais ?

— Savoir parler en espagnol ? Sí. Rien que pour dire à Faraona que je l’aime :-)

— Je t’apprendrai le langage, la langue des chevaux si tu veux. Pour séduire Faraona, c’est mieux.

— Et ça se dit comment, " je t’aime " ?

— Te quiero. Mais ça se prononce autrement.

— Les chevaux prononcent l’espagnol autrement, c’est sûr.

— Quant aux couleurs, ils sont de multiples couleurs. Il y a les gris, comme Consellera ou Guapa, les noirs, comme Jaleo, les bais comme Vendaval ou comme Faraona.

— Les blancs ?

— Beaucoup de poulains naissent foncés et leur pelage tourne plus tard au gris. Certains éventuellement finiront par devenir tout à fait blancs.

— Et les chevaux à robe jaune ou cannelle, les floconnés de taches blanches…

— No son de Pura Raza Española. Ils n’ont pas droit à cette appellation. Les P.R.E. sont de robe grise ou baie ; noire : parfois ; ces chevaux-là sont très rares. Mais jamais alezane, jamais pie, jamais appaloosa.

— Regarde les chevaux aujourd’hui. Crois-tu que leurs robes aient changé ? Depuis le temps que nous les observons…

— Leur couleur change avec les années, c’est vrai. Écoute : les couleurs des chevaux, c’est merveilleusement compliqué, ça fait merveilleusement rêver. Les chevaux naissent avec une robe, en changent en grandissant, ils foncent ou ils éclaircissent.

— Comme Consellera ?

— Comme Consellera, sí.

— Comme Guapa ?

— Guapa est grise et elle tire sur le noir. Consellera est grise et elle tire sur le blanc, elle a huit ans, elle devient de plus en plus claire.

— C’est merveilleux, ces évolutions de couleurs.

— Je te dis encore quelque chose : ils sont vraiment trop jolis, les poulains qui naissent avec comme des lunettes, des cercles blancs autour des yeux. Mais c’est assez pour les couleurs aujourd’hui, il y a trop de secrets que nous ne savons pas. Quand je saurai, je te dirai tout. Je te raconte maintenant autre chose.

— Parle-moi encore des chevaux. Raconte-moi l’histoire des chevaux d’Espagne.

— Ils étaient là. Depuis le début du monde.

— Début du monde, vraiment ?

— Era una vez, en Andalucía, un caballo… un caballo enamorado… Il était une fois, en Andalousie, un cheval amoureux…

Elle a commencé comme un conte dans la pénombre du soir qui descend. Il demande :

— C’était il y a longtemps ?

— C’était il y a très longtemps.

— Combien de temps ?

— Vingt mille ans. Trente mille ans. C’était le premier cheval d’Espagne. C’est sur une peinture murale qu’on le voit, à ce qu’on dit, dans une grotte d’Andalousie.

— Vingt mille ou trente mille ans ?

— Vingt mille ans, disons.

— Quel est son nom ?

— Vendaval :-)

— Comme Vendaval ? notre Vendaval, celui-là là avec Faraona ?

— Oui :-)

— Et celle qu’il aimait ?

— Faraona, déjà :-)

— Vraiment ?

— Bien sûr :-) Et Vendaval : tu sais d’où vient son nom ? De l’ouragan, du vent. Parce qu’il est né par une nuit de tempête, Vendaval, il s’appelle. Né du vent, il est né du vent, comme dans la légende bédouine.

— Cette légende, tu peux la raconter ?

— Une phrase seulement, lue dans un livre : " Et Dieu prit une poignée du vent du Sud, souffla dessus et créa le cheval. " C’est beau.

— C’est beau. Oui.

C’est dans " Le cheval nu ", un livre de Robert Vavra, un hommage au cheval espagnol, de très belles images.

Puis elle dit :

— Et ces chevaux qu’on voit peints dans des grottes il y a vingt mille ans sont les ancêtres des chevaux d’Espagne. Et beaucoup de chevaux d’aujourd’hui qui ne sont pas d’Espagne, chevaux d’Europe comme des Amériques grâce aux chevaux des conquistadores, ont du sang espagnol qui coule dans leurs veines. Un jour, je t’en dirai et te montrerai plus encore. Tu connaîtras tous les détails de leur histoire, une grande et belle histoire. Et je te montrerai leur pays. L’Andalousie.

— Ce pays où ils sont nés.

— Andalucía, sí. Mon pays.

Elle dit encore :

— Tu imagines : l’Andalousie, son soleil, tous les chevaux qui arrivent vers nous, ils sont si beaux… Tu imagines le ciel azur, les murs blancs et d’argent, l’or intense du soleil et le sable de l’ombre, ces extrêmes de lumière et d’obscur et la beauté, les couleurs des chevaux entre ces jeux du sombre et de la grande clarté, tu imagines ce pays, cette terre, celle où les chevaux sont nés au tout début du monde. J’aime ce pays des chevaux, je te le fais aimer, je te fais aimer ses chevaux…

— Si nous étions des chevaux, tous les deux…

— Ce serait bien d’être des chevaux, parfois je pense.

— Nous serions ensemble tous les deux dans un grand pâturage.

— Et tous les chevaux que nous aimons avec nous. Vendaval…

— Et Faraona.

— Et tous les autres…

— Et l’on viendrait ici vivre où vivent les chevaux heureux ?

© jean-pierre.cousin@bluewin.ch
avril - juin 2001

 

Page créée le 01.08.01
Dernière mise à jour le 01.08.01

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