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Maurice Chappaz - Jérôme Meizoz
A Dieu vat, entretiens de Jérôme Meizoz avec Maurice Chappaz. Editons Monographic, 2003.

Retrouvez également Maurice Chappaz dans nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.

  Maurice Chappaz - Jérôme Meizoz / A Dieu vat
 

 

Grand entretien mené par Jérôme Meizoz dans le cadre du film franco-suisse de la série

«Les Hommes Livres» (Arte/INA/PCT Productions).

 

A Dieu vat, entretiens de Jérôme Meizoz avec Maurice Chappaz. Editons Monographic, 2003.

  Préface de Jérôme Meizoz

"Ainsi il répond à toutes les créatures
qui gémissent leur rapide printemps au bord des routes salées entre le Jura bleu
et la blanche Savoie."

Réunis sous le titre mélancolique et confiant de À-Dieu-Vat! ces entretiens ont été réalisés les 29, 30 mars et 1er avril 2001 à l'Abbaye du Châble, à l'occasion du tournage du film "Maurice Chappaz" dans la série "Les Hommes Livres" proposée par Jérôme Prieur.

Sur presque neuf heures de bande-son, à peine quarante minutes ont suffi pour les besoins du documentaire télévisé. Relisant la version complète, le souvenir de ces heures d'entretiens familiers au premier soleil de printemps, celui de confidences rares et de commentaires saillants de la part d'un Chappaz en grande verve nous a fait réfléchir, à l'invitation de l'écrivain lui-même, à l'opportunité d'en publier l'intégralité.

Soucieux de précision et de clarté, Chappaz a alors suggéré, tout en respectant la spontanéité de l'oral, de reprendre l'ensemble de son texte. Celui-ci souffrait, comme tout libre propos en situation d'oral, d'erreurs diverses, ellipses quant aux dates et aux noms, répétitions, confusions. Fin 2001 et durant les trois premiers mois de 2002, avec l'aide précieuse de son épouse Michène, Chappaz a repris six fois son manuscrit, pour aboutir au livre que voici.

L'écriture de Chappaz, depuis la fin des années 1970, s'est faite plus directement autobiographique. Le rapide parcours de L'Apprentissage (1977) a été complété par Le Garçon qui croyait au paradis (1989), rêverie autobiographique qui retrace les étapes de sa vie de 1916 à 1961. Mais aucun de ces deux textes n'a la spontanéité vagabonde de l'entretien, et surtout aucun n'a comme lui, vertu d'ultime bilan ou confession d'un homme en son grand âge. Le titre le dit: tout se passe comme si Chappaz s'adressait en fait à Dieu, comme saint Augustin qu'il a tant lu.

Dans un libre regard en arrière, l'écrivain reconsidère et justifie ses choix de vie: les vagabondages, le refus d'un métier utile, le besoin d'une disponibilité intérieure pour écrire. Mais la logique de l'entretien l'oblige aussi à sortir de son récit intérieur, et à se confronter aux questions d'autrui. Ainsi lira-t-on des pages originales - celles d'un Chappaz moins connu - sur la filiation, la relation au père, les crises de vocation littéraire, les circonstances du départ à la Dixence, sa relation avec Corinna Bille, la famille, les voyages, les projets d'écriture à venir ou avortés. Et des commentaires rétrospectifs sur des œuvres majeures, comme Le Valais au Gosier de Grive ou La Haute Route.

La reconsidération de sa vie, le grand âge et l'approche de la mort ont amplifié et déployé deux voies (ou deux versants de sa voix) que ses lecteurs lui connaissent bien.

D'une part, la sensibilité poétique au monde naturel, inséparable pour Chappaz d'une théologie heureuse, qu'il partage avec Cingria, pour laquelle le monde fait indéniablement sens par son créateur. Dans ces entretiens, les évocations d'une ombre, d'une trace, d'un filet d'eau, prennent leur place comme les couleurs dans un tableau abstrait.

De l'autre, plus méditative, une reformulation intense de la question de Dieu. Si la fidélité au catholicisme transparaît tout au long de son œuvre, celle-ci semblait ludique et chaleureuse dans des ouvrages comme Le Match Valais-Judée (1968). Elle devient poétique et théologique, sur un ton plus anxieux sans doute, dans les textes récents. Relief nouveau est donné ainsi à une longue réflexion sur Judas, considéré comme un double ambigu du poète, à la relecture de saint Augustin, aux thèmes chrétiens de la culpabilité et du pardon, au bilan d'une vie devant le dernier seuil.

Durant l'été 1995, Maurice Chappaz avait achevé le premier jet d'un livre nouveau, Evangile selon Judas, dont les Pages choisies II (1996) ont donné l'extrait d'une première version. L'ouvrage en projet se situait à mi-chemin entre le récit épique, le roman policier et la réflexion théologique. Chappaz a lu, entre autres, les remarques de Karl Barth sur Judas dans la Dogmatique. Evangile selon Judas explore la faute, retrace les agissements du traître, afin de saisir la part d'ombre du personnage et de l'homme en général. Après une longue pause, puis la réécriture du manuscrit à quatre ou cinq reprises en 2000 et 2001, l'ouvrage est paru chez Gallimard à l'automne 2001. Dans ces entretiens, Chappaz revient longuement sur ce travail, celui qu'il nomme son dernier livre.

Incontestablement, parmi la génération des auteurs romands entrés en écriture dans l'immédiat après-guerre, Maurice Chappaz fait figure d'auteur majeur, dont l'œuvre a libéré, inspiré ou fait créativement réagir un nombre important d'écrivains plus jeunes (Bouvier, Chessex, Farquet, Voisard, Lovay et d'autres).

Si l'œuvre de cet infatigable lecteur et poète errant semble s'inscrire dans ce qu'il nomme la "Ramuzie", ce pays du Rhône si riche en poètes, elle est cependant avant tout reliée à des voix sœurs - Trakl, Roud, Cingria, Pavese, London, Walser, Bashô, et tant d'autres - qui ont surmonté le faux problème de leur origine.

Jérôme Meizoz

Retrouvez un extrait de ces entretiens publiés par le Culturactif Suisse en cours de rédaction

 

Page créée le: 28.04.03
Dernière mise à jour le 29.04.03

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