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Atelier d'écriture du Département de français moderne
Université de Genève

Consigne : faire un texte à partir de la liste de mots suivante (extraite de la nouvelle de Peter Bichsel « Les Employés », in Le Laitier, Gallimard, 1967, pp. 77-78)

Employés – Midi – Porte – Chapeau – Rue – Tiroir – Loterie – Manteau – Bizarre – Travail – Guichet – Questions – Savoir – Tampons - Radis en salade – Tabac

La file d’employés sort de la banque, comme des fourmis... mais en pause. Il est midi. La porte s’ouvre, les libérant de ce monde abrutissant. Son chapeau à la main, Jean s’engouffre dans la rue. Il ne fait pas beau... pour changer. Le mois d’octobre ne pardonne pas en ville. « Une heure, une pour respirer... quel ennui, ce boulot », murmure-t-il. Les nuages rasent les immeubles. Le vieux quartier se dessine devant lui, plein de mystères et de secrets comme un vieux tiroir d’un coin de grenier. Une affiche sur un mur d’immeuble : une pub pour la loterie. Elle attire l’oeil, une tache colorée dans le gris. « L’espoir », sourit Jean, rêvant lui aussi de partir. La pluie recommence à tomber, froide. C’est comme si elle ne s’arrêtait jamais. Son manteau prend l’eau. Il lui a fallu longtemps pour ne plus chercher la douce odeur de la terre mouillée. Le béton n’en a pas, comme de vie d’ailleurs. Seul le vieux quartier, avec ses ruelles de pierre, ses parfums et odeurs, ses rêves, est resté profond et authentique, comme une forteresse au milieu de cette ville si superficielle, où on ne se croise pas du regard. Tout le monde court, est pressé... dans quel but ? Est-ce une vie ? Rien de bizarre à ce que Jean s’y dirige pour s’échapper. Au guichet, il répond aux questions des clients, sans savoir pourquoi il ne s’en va pas. Tampons et signatures toute la journée... pour un salaire à la fin du mois. Drogué lui aussi de l’argent. Il ne peut plus quitter. Oh ! le soleil, la terre, les odeurs de la campagne. Surtout le temps... qui passe lentement, qui ne bannit pas le rire. C’est lui qu’il est venu chercher dans ces ruelles. Fumant une pipe de tabac américain, Jean s’assoit sur un banc avant de manger les mêmes éternels radis en salade, et se laisse aller. La rêverie l’entraîne, fait revivre son coeur. Mais même au fond de sa liberté le temps le rattrape. Il faut déjà y retourner, le travail recommence à 13 heures.

© Sébastien Heiniger

 

Page créée le 20.11.01
Dernière mise à jour le 20.06.02

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