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                   Etat des lieux 
                  
                    Depuis quelques années, Bienne 
                      est devenu la ville de la photographie. Après d'autres 
                      artistes prestigieux, elle accueille, pour un mois, au Photoforum 
                      PasquArt, le photographe genevois Jacques Pugin, sans conteste 
                      l'un des artistes les plus intéressants de sa génération. 
                   
                  Les lecteurs de SCÈNES connaissent 
                    bien le travail de Jacques Pugin ; le public suisse, hélas, 
                    un peu moins. Né à Bulle en 1954, il se passionne 
                    très vite pour la photographie, grâce au petit 
                    Instamatic qu'on lui offre à 12 ans, premier appareil 
                    d'une longue série. Mais c'est au cours des années 
                    70 que s'affirment à la fois sa vocation, et l'originalité 
                    de son regard. 
                  Première série d'images 
                    importante, Graffiti greffés, 
                    utilise la lumière comme un crayon dans le paysage. 
                    Nous sommes au début des années 80 et Pugin 
                    obtiendra, pour ce travail, une première reconnaissance 
                    officielle, sous la forme d'une bourse fédérale 
                    des Beaux-Arts. En outre, Graffiti 
                    greffés (I et II) paraîtra en portfolio 
                    grâce aux bons soins du galeriste Engelberts. 
                  Toujours curieux d'expériences 
                    nouvelles, Pugin travaille, dans les années 90, sur 
                    le thème de "la trace dans le monde physique", 
                    puis poursuit sa recherche sur des images video. L'aboutissement 
                    de ce travail, à la fois lent et opiniâtre, donnera 
                    la très belle série de La 
                    Montagne bleue, images obsessionnelles et envoûtantes 
                    qui déclinent, sous toutes ses nuances, l'air transparent 
                    et bleu des cimes. 
                  Pour accompagner ces images, nous écrivions, 
                    en 1998* : 
                  La montagne est d'abord une image, 
                    c'est-à-dire un réseau de traces. Depuis longtemps, 
                    le photographe ne se contente pas de prendre des clichés 
                    : après les avoir imprimés, il intervient sur 
                    leur texture à l'aide d'un crayon gras, d'abord, à 
                    la manière d'un peintre ou d'un dessinateur, puis il 
                    saisit numériquement l'image nouvelle (car coloriée) 
                    sur un ordinateur pour la retravailler en y traçant 
                    des ombres et des figures géométriques, comme 
                    le ferait un architecte. De la texture première (trace, 
                    déjà, d'une enquête en montagne), Pugin 
                    tire donc une sorte d'architexture : une image longuement 
                    travaillée, ordonnées, composée, qui 
                    est sans doute plus vraie que la première." 
                  La mer, le désert, la montagne 
                  Aujourd'hui, outre les planches originales 
                    de La Montagne bleue, Pugin 
                    présente à Bienne un travail entrepris il y 
                    a quelques mois : Etat des lieux. 
                    Au bas des images apparaissent des chiffres et des abréviations 
                    qui indiquent l'heure et le point précis de l'endroit 
                    (latitude et longitude) d'où la photo a été 
                    prise, c'est-à-dire le point de vue dans l'espace et 
                    le temps. 
                  "Ce qui m'intéresse, précise 
                    l'artiste, c'est dans un premier temps le lieu, puis l'intervention 
                    dans l'image afin de la transformer et de la détourner 
                    finalement de son aspect référentiel ou réaliste. 
                    Si on le désirait, en cherchant à respecter 
                    les données géographiques indiquées, 
                    on pourrait retrouver exactement le même point de vue, 
                    à un autre moment, avec une autre lumière." 
                  Ces images d'une grande beauté 
                    (dont certaines agrandies aux dimensions d'un tableau de 2 
                    mètres sur 2,5) explorent trois lieux différents 
                    : la mer, le désert et la montagne. Dans la perspective 
                    du photographe, c'est le début d'une entreprise plus 
                    vaste et qui consisterait à parcourir de nombreux lieux 
                    du monde pour les prendre en photo, imaginant, à chaque 
                    fois, les diverses possibilités d'intervention sur 
                    ces images. 
                  * Jacques Pugin, La Montagne bleue, Collection 
                    Photoarchives 10, Ides et Calendes, 1998. 
                  Jean-Michel Olivier 
                    
                    
                  Retrouvez les pages du feuilleton littéraire 
                    sur le site culturactif.ch avec toute l'actualité culturelle 
                    de Suisse, ainsi que sur le site www.jmolivier.ch. 
                  
                    
                   Page créée le 26.10.00 
                    Dernière mise à jour le 26.10.00 
                    
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