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Scènes Magazine - Feuilleton littéraire
Matthias Zschokke - Sylviane Roche - Germain Clavien -Etienne Barilier - Patrick Amstutz

Quelques livres pour l'été
Comme chaque année, le printemps littéraire est particulièrement fécond, en Suisse romande comme à Paris. Mais impossible de rendre compte de tous les livres — extraordinaires ou ennuyeux — que nous avons reçus. Pour nous faire pardonner, voici quelques livres à emmener en vacances.

  Matthias Zschokke, Bonheur flottant, Editions Zoé, 2001.

Quatre amis d'enfance se réunissent sur un bateau de luxe pour parler de leur vie, et faire le point sur leur quarantaine menaçante. Voguant ainsi sur les souvenirs, ils se racontent, de petites et de grandes choses, souvent inattendues, savoureuses, intimes. Leurs seules règles sont de ne pas mentir, ni de céder au jeu de la séduction. On retrouve dans ce beau roman tous les thèmes chers à Mathias Zschokke, ainsi que la métaphore navale qui avait déjà séduit nombre de lecteurs et spectateurs dans L'Heure bleue ou la Nuit des pirates, pièce montée au Théâtre de Poche sous la direction de Martine Paschoud. C'est léger, très bien traduit par Patricia Zurcher et, bien sûr, beaucoup plus profond qu'il n'y paraît.

Bonheur flottant de Mathias Zschokke, traduit par Patricia Zurcher, Zoé, 2001.

 

  Sylviane Roche, L'Amour et autre contes, Editions Bernard Campiche, 2002.

Cette légèreté, on la retrouve dans les courtes nouvelles de Sylviane Roche, réunies dans L'Amour et autres contes. Même si la plupart d'entre elles ne sont pas inédites (elles ont paru dans le magazine féminin Profil), elles témoignent toutes de la verve tendre et cruelle de l'écrivain français établi à Lausanne. Qu'il soit question de jalousie, d'adultère ou de fièvre acheteuse, la vie quotidienne est passée au crible des mots et des flashes. On regrette parfois que Sylviane Roche n'aille pas plus loin dans la satire ou la peinture des travers féminins (elle y excellerait). Certaines nouvelles laissent le lecteur sur sa faim. Mais l'ensemble se laisse lire avec beaucoup de plaisir.

L'Amour et autres contes de Sylviane Roche, Bernard Campiche, 2002.

 

 

  Germain Clavien, Gens d'hier et d'aujourd'hui, Editions L'Age d'Homme, 2002.

Avec Gens d'hier et d'aujourd'hui, Germain Clavien nous livre tout simplement le 16è volume de sa lettre à l'imaginaire ! Que de chemin parcouru depuis Un hiver en Arvèche! Quelle passion, aussi, à décrire (et à déchiffrer) les jours qui coulent, heureux ou malheureux, dans cette vallée lointaine où Bertrand Ardou poursuit son œuvre ! On retrouve le ton à la fois fraternel et sans complaisance de Germain Clavien qui nous livre la chronique d'un petit canton en proie à la folie des Jeux Olympiques (2002, puis 2006), aux scandales financiers, aux guerres de religion. Clavien nous livre aussi une description sans concession du milieu littéraire suisse romand — ou plutôt des quelques critiques, de plus en plus dispersées, qui en tiennent lieu. C'est drôle, extrêmement bien écrit, et savoureux de bout en bout.

Gens d'hier et d'aujourd'hui de Germain Clavien, L'Âge d'Homme, 2002.

 

 

  Etienne Barilier, L'Enigme, Editions Zoé, 2001.

Comme chaque année, le Prix Dentan a été attribué aux Editions Zoé pour L'Énigme d'Étienne Barilier, un roman passablement obscur, lent, laborieux, qui n'égale pas la force d'Une passion ou du Chien Tristan. Dans cette histoire de manuscrit apocryphe, Barilier fait la preuve, à nouveau, de son érudition. Il nous embarque dans une intrigue confuse qui pourrait être passionnante si elle était plus resserrée, et ses personnages plus vivants. Mais le lecteur — même averti — risque ici de se perdre en chemin. Dommage…

L'Énigme d'Étienne Barilier, roman, Zoé, 2001.

 

  Patrick Amstutz, La langue et le politique, Editions de L'Aire, 2001.

À l'initiative de Patrick Amstutz, chargé de cours de littérature française à l'Université de Fribourg, une quarantaine d'écrivaines et d'écrivains de Suisse romande s'interrogent sur leur rapport au politique. Les mots sont-ils des alliés ? Quel rôle joue l'écrivain face au langage ? Comment se concrétise l'engagement politique, aujourd'hui, d'un écrivain ? Autant de questions passionnantes auxquelles les auteurs interrogés essaient de donner une réponse. Réponses infiniment différentes selon l'auteur, bien sûr, mais qui montrent toutes un attachement profond (viscéral, maladif ?) à la matière même de la langue, à la fois mère et berceau, voix et image. Deux axes semblent se dégager des questionnaires envoyés, puis dépouillés par Patrick Amstutz : plus les écrivains se rattachent à une dominante poétique (Tâche, Voélin, Chappuis), plus ils se sentent (ou se rêvent) dépossédés de leur langue, écrivant malgré eux sous la dictée d'une voix qu'ils ne font que transcrire. À l'inverse, plus ils se rattachent à une dominante argumentative, plus ils réclament une manière de maîtrise sur ce qu'ils écrivent. On retrouve dans cette catégorie des romanciers tels que Daniel de Roulet, Bernard Comment ou Étienne Barilier et des critiques comme Christophe Gallaz et Jean Starobinski. Les réponses des écrivains sont précédées d'une préface particulièrement éclairante de Patrick Amstutz. On ne saurait trop recommander cette enquête à toutes celles et ceux qui s'intéressent à la littérature vivante de ce pays.

La langue et le politique, enquête auprès de quelques écrivains suisses de langue française, L'Aire, 2001

Jean-Michel Olivier

* La Nuit qui tua Juan Don par Jean-François Fournier, roman, L'Âge d'Homme, 2002.
** La Solitude du coupeur de nattes par Jean-Pierre Keller, roman, Denoël, 2002.

Retrouvez les pages du feuilleton littéraire sur le site culturactif.ch avec toute l'actualité culturelle de Suisse, ainsi que sur le site www.jmolivier.ch.

Cet article de Jean-Michel Olivier
a été reproduit avec l'autorisation de la revue SCENES-MAGAZINE
http://www.scenesmagazine.com

 

Page créée le 26.06.02
Dernière mise à jour le 26.06.02

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