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Scènes Magazine - Feuilleton littéraire
Jean-Louis Kuffer - Jean-Paul Dubois - Jean-Marie Adatte - David Colin - Nathalie Chaix - Le Passe-Muraille No72

Comme chaque été, Scènes Magazine vous propose quelques bons livres pour supporter la canicule et ne pas bronzer idiot…

  "Impressions d’un lecteur à Lausanne" par Jean-Louis Kuffer, camPoche, 2007.


Promenade littéraire

Qui mieux que Jean-Louis Kuffer, journaliste à 24 Heures et écrivain, connaît le paysage littéraire romand de ces trente dernières années ? Personne, me direz-vous. Et vous aurez raison. Lecteur infatigable, défenseur passionné de tout ce qui s'écrit en Suisse romande (et ailleurs), il sait faire preuve, en outre, à la fois d'un esprit très critique et d'une farouche liberté. Ses Impressions d'un lecteur à Lausanne sont un petit bijou de saveur et de savoir. Replaçant la capitale vaudoise dans l'histoire de la littérature (qui commence bien avant la Réforme, et sera marquée par Voltaire et le fameux Dr Tissot, puis Hugo, Sainte-Beuve, Juste Olivier, Ramuz, Cingria et tant d'autres), Kuffer en profite pour tracer un portrait riche et contrasté de cette « petite Athènes du Nord » (Voltaire). Puis il en vient à la seconde moitié du XXe siècle où, sous l'impulsion de quelques personnalités d'exception, Lausanne deviendra véritablement — avec la Guilde du Livre, les éditions Rencontre, Bertil Galland et Vladimir Dimitrijevic — le centre éditorial de la Suisse romande. Corrigeant et surtout complétant les maigres pages que L'Histoire de la littérature en Suisse romande a consacrées aux auteurs contemporains, Kuffer dresse un tableau de la postérité de Ramuz. On se rend compte, une fois de plus, de l'incroyable richesse et diversité de la littérature d'ici et maintenant, depuis le fameux Prix Goncourt de Chessex jusqu'aux découvertes d'Anne-Sylvie Sprenger ( Vorace ), de Pascale Kramer, d'Antonin Moeri, de Frédérick Pajak, d'Anne-Lou Steininger, etc. Avec la finesse et l'indépendance d'esprit qu'on lui connaît, Kuffer rend hommage aux œuvres comme aux écrivains et donne, dans la dernière partie de son ouvrage, les titres des 100 livres indispensables de la littérature romande. Beau programme de lecture…

 

  "Hommes entre eux" par Jean-Paul Dubois, Editions de l’Olivier, 2007.


Un duel dans la glace

Tous ceux qui ont aimé Une vie française, l’extraordinaire roman de Jean-Paul Dubois paru en 2004, et qui obtint le Prix Femina, doivent se précipiter, toute affaire cessante, sur le dernier roman du plus américain des écrivains français. En effet, Hommes entre eux tient le lecteur en haleine d’un bout à l’autre. Quittant assez vite la France, Dubois nous fait voyager dans le grand nord canadien, et plus précisément à North Bay (Ontario). Le narrateur, gravement malade, part à la recherche de la femme qui l’a quittée. C’est ainsi qu’il rencontrera son rival — lui aussi abandonné par la belle Anna —, un chasseur canadien plus vrai que nature. Hantés par la disparition de celle qu’ils ont aimée, ces deux hommes s’ouvrent peu à peu l’un à l’autre, dans une maison perdue au milieu du blizzard. Ils vont alors connaître leur heure de vérité, chacun étant tour à tour le chasseur et la proie. Jusqu’au dénouement, parfaitement inattendu, qui ravira tous ceux qui aiment les livres de Jean-Paul Dubois.


  "Dérapages" par Jean-Marie Adatte, éditions d’Autre Part, 2007.


Dérapages contrôlés

Dédiés à notre ami Marc Jurt, décédé il y a une année déjà, les cinq nouvelles que Jean-Marie Adatte a réunies sous le beau titre de Dérapages ont ceci en commun qu’elles revisitent toutes un passé qui ne passe pas, mais empoisonne encore la vie des personnages souvent mystérieux de Jean-Marie Adatte. De fantasmes en fantômes, ceux-ci perdent un jour leur chemin, que ça soit lors d’une randonnée en montagne ou au terme d’une cure de désintoxication qui le fera aspirer au silence. Adatte excelle à explorer le clair-obscur des êtres qui s’enferment dans leurs secrets, et qu’une circonstance imprévue de la vie brusquement libère ou au contraire anéantit. Un très beau livre à découvrir.

 

  "Train fantôme" par David Colin, Le Seuil, 2007.


Pères fantômes

Pour son premier roman, David Colin (qui travaille pour Espace2) nous livre un texte extrêmement abouti, et qui frappe fort. Son titre nous ramène aux terreurs délicieuses de l’enfance et du train fantôme. Autrement dit d’une sorte de parcours initiatique, ponctué de cris de peur, qui réserve à chaque instant de nouvelles surprises. Et c’est bien de cela qu’il s’agit. Dénouant les fils d’une saga familiale passablement embrouillée, Colin part en quête de son vrai père, longtemps maintenu dans le silence et le secret. Lorsqu’il l’aura trouvé, après bien des péripéties, le narrateur en sortira grandi, mais aussi déçu, car ce vrai père ressemble si peu à celui qu’il s’était imaginé. Le fantasme, une fois encore, se noie dans le réel. Mais seule la lucidité — ce désir insatiable de savoir — nous permet d’aller de l’avant.

 

  "Exit Adonis" par Nathalie Chaix, Bernard Campiche, 2007.


Amours avortées

Lauréat du Prix Georges-Nicole 2007, Exit Adonis de la Genevoise d’adoption Nathalie Chaix a toutes les qualités et les défauts d’un premier livre. Les qualités d’abord : une écriture élégante et rapide, un certain souffle lyrique, une construction rigoureuse de l’intrigue. Les défauts ensuite : une matière imprégnée d’autobiographie, pas assez décantée, hélas, pour empoigner le lecteur et le surprendre de bout en bout ; quelques préciosités inutiles (on pense aux paroles rapportées d’Adonis, caricature de l’artiste branché) qui cassent l’émotion du récit ; enfin, une histoire d’amour (univoque, en réalité) à laquelle personne ne croit. Si le roman de Nathalie Chaix est bel et bien un exorcisme (c’est par là qu’il peut toucher), on sent l’auteur encore trop retenue, inhibée par les conventions littéraires, peu sûre encore de sa plume (et surtout de son talent).

 

  "Le Passe-Muraille, No72", mai 2007.

Reconnaissance à Georges Haldas

À ne pas manquer, le dernier numéro de la revue Le Passe-Muraille entièrement consacré au plus prolixe des écrivains romands. L’hommage est unanime et chaleureux. Il va de Serge Molla à Jean Vuilleumier, le compagnon de route d’Haldas, de Moeri à Bagnoud, en passant par Chessex et Chappaz, Kuffer et Frochaux. Chacun s’accorde à redonner à l’écrivain suisse né en Céphalonie la place qu’il mérite dans la littérature romande : la première. Tant par la minutie, toute subjective, de ses chroniques, que par sa poésie ouverte sur la relation à autrui ou ses méditations sur le mystère religieux. Un auteur à redécouvrir sans cesse. Notons, à cette occasion, la reprise, dans la collection Poche suisse, de deux livres d’Haldas, Rendez-vous en Galilée et Socrate et le Christ.

Jean-Michel Olivier

* La fille au balcon d’Anne-Lise Thurler, récit, Zoé, 2007.
** Le Poisson-scorpion : Nicolas Bouvier par Jean-Xavier Ridon, essai, et Paysages avec figures absentes : Philippe Jaccottet de Laure Himy-Piéri, essai, collection Le Cippe, éditions Zoé, 2007.
***Juste un jour par Antonin Moeri, roman, Campiche, 2007.

 

Retrouvez les pages du feuilleton littéraire sur le site culturactif.ch avec toute l'actualité culturelle de Suisse, ainsi que sur le site www.jmolivier.ch.

Cet article de Jean-Michel Olivier
a été reproduit avec l'autorisation de la revue SCENES-MAGAZINE
http://www.scenesmagazine.com

 

Page créée le 03.02.09
Dernière mise à jour le 03.02.09

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