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Ecriture 63
Revue littéraire dirigée par Françoise Fornerod, Daniel Maggetti, Sylviane Roche

  Ecriture 63 / Nuits
 

Au lecteur

Elle est tendre ou sauvage, diabolique ou sainte, chère aux amants et aux assassins... Vous l'aurez deviné dès la couverture, pour cette livraison de printemps ECRITURE explore la nuit. Et poursuivant notre dialogue avec la Belgique, c'est à des écrivains belges et suisses, auxquels se sont joints quelques "Nocturnes" d'un poète français, que nous avons demandé de nous parler de leur nuit, celle qu'ils ont vécue ou dont ils ont rêvé, celle qu'ils n'oublieront jamais ou dont ils préfèrent ne pas se souvenir...

Ces textes nocturnes sont magnifiquement soutenus par les "Jeux d'étoiles" de l'artiste bernoise Beatrix Sitter-Liver, qui explore ce thème pictural depuis de longues années.


Cette livraison est aussi celle du Xe Prix Georges-Nicole. Le 22 avril dernier, il a été remis à Jean-Euphèle Milcé qui nous a confié, suivant la coutume, un texte inédit. Le livre primé, L'Alphabet des nuits, vient de paraître chez Bernard Campiche Editeur. Comme les fois précédentes, ce prix de la première oeuvre a attiré de nombreux concurrents, plus d'une septantaine, et la tâche du jury pour les départager n'a pas été facile. Nous vous présentons des extraits des manuscrits qui ont particulièrement retenu son attention. Nous souhaitons une belle carrière à ces nouveaux venus dans le monde des lettres romandes. Qu'ils soient sûrs que, comme l'Epître aux Martiens de Jean-Marc Lovay qui avait obtenu en 1969 le premier Prix Georges-Nicole et qui vient seulement cette année de paraître chez Zoé, un livre distingué par ce prix finit toujours par trouver un éditeur !

F.F. - D.M. - MQ. - S.R.

 

  Sommaire de Ecriture 63

Au lecteur  
   
NUITS  
Henry Bauchau Le cimetière la nuit
François Debluë Fenêtres du soir
Vera Feyder Passion nuit
   
Beatrix Sitter-Liver Jeux d'étoiles, illustrations
   
Frans de Haes Trois nuits
Corinne Desarzens Un Australien à Parme
Jacques Goorma Ouvert la nuit
Alice Piemme Aéroport
Daniel de Roulet Toute une nuit et la frontière
Nicole Malinconi Variations sur la nuit
Jean Louvet Il y a des nuits qui reviennent
  toutes les nuits
Sylvie Neeman Romascano Nuit d'encre
Jean-Claude Kangomba Compte à rebours
Anne-Lise Grobéty Taceo nubilas
Paul Emond Randonnée nocturne
Thomas Bouvier L.
Jean-Marie Piemme Ma grand-mère qui chantait
Catherine Safonoff A Samarra ce soir
Marc Trivier La nuit dont on ne parle pas
Marc Quaghebeur La nuit parle
Jean-Pierre Otte Intérieur, extérieur nuit
Franck Laurent Nocturnes
   
PRIX GEORGES-NICOLE 2004  
Jean-Euphèle Milcé Et... Dieu créa l'heure
Jean-Yves Dubath Gazmend en guerre
Sandrine Fabbri
Vendredi 13 juillet
Blaise Hofmann "Billet aller simple"
Danielle Nanchen Demains
   
CHRONIQUE DE LIVRES  
Sylvie Jeanneret Le Vrai Robinson, par Etienne Barilier
Arnaud Buchs Le Lyrisme de la réalité, entretien de Pierre Chappuis avec Sylviane Dupuis
Céline Cerny Sirènes d'Engadine, par Corinne Desarzens
Rudolf Mahrer Pamukalie, pays fabuleux, par Eugène
Adrien Guignard Des animaux et leurs poètes, par Sandrine Fontaine
Eric Duvoisin Le Pacte lyrique, par Antonio Rodrìguez
   
Notes  

 

  Extrait de Ecriture 63 - Nuit d'encre de Sylvie Neeman Romascano


Nuit d'encre

Le 14 août 2003, aux environs de seize heures, New York et tout le nord-est des Etats-Unis subirent la plus longue panne d'électricité de ces dernières décennies. Pendant 29 heures aucune climatisation, aucune lampe, aucun réfrigérateur ne fonctionnèrent. Aucun ascenseur, aucune télévision, aucun feu de circulation.
Les gens quittèrent peu à peu les immeubles, des rumeurs circulaient : attentat, virus informatique - comment ne pas avoir peur ? Le maire Bloombey décréta l'état d'urgence, précisant cependant qu'il n'y avait " pas d'indication " que la panne soit d'origine terroriste.
On vit des marées humaines dans les rues de Manhattan, des automobilistes stoppés par centaines sur Brooklyn Bridge : des passants traversaient à pied l'East River, empêchant les voitures de circuler correctement - comme au 11 septembre.
Il y eut des milliers de personnes bloquées dans le métro, il y eut des glaces distribuées gratuitement et des salades vendues pour 1 dollar.
Il y eut des fonctionnaires coincés dans les ascenseurs, des alarmes qui se déclenchaient pour signaler des incendies, mais nul incendie, juste cette chaleur d'une fin d'après-midi de la mi-août. Dans les bus seuls les climatisations fonctionnaient, et les femmes qui ce jour-là accouchèrent dans la fraîcheur d'une banquette bleue aux taches équivoques ne se doutèrent pas de la chance qu'elles avaient : dans les sous-sols des hôpitaux de la ville, on se serait cru aux portes du premier cercle de l'enfer.
Les gens quittèrent leur travail, leurs amants, leurs maîtresses ; les gens descendirent dans la rue. Ils avaient vainement attendu des nouvelles, de la télévision, de la radio, ils avaient essayé d'utiliser leur téléphone portable, mais les lignes furent très vite saturées ou réservées à d'autres fins, et on vit des adolescents debout dans l'attente de dire " ne comptez pas sur moi, je ne sais pas quand j'arrive ", faisant la queue devant des cabines téléphoniques dont ils ne connaissaient pas le fonctionnement.
Les gens quittèrent leur bureau, leur appartement, avec peut-être un dernier regard pour le ventilateur immobile ou la climatisation muette, et comme le métro ni les trains ne fonctionnaient, ils se retrouvèrent dans la rue, tout simplement.

*****

Voyant que l'électricité ne revenait décidément pas, l'agence de voyage qui employait Sarah avait décidé de fermer ses bureaux plus tôt, et la jeune femme imagina rejoindre Brooklyn à pied ; elle avait mis les baskets qu'elle porte toujours pour le trajet de son appartement à son travail, sortant dans l'ascenseur seulement les souliers à talons qui l'accompagneraient jusqu'au soir ; Dave ne s'inquiéterait pas si elle ne rentrait pas à l'heure habituelle, il ne s'inquiète pas souvent. Paolo, lui, venait d'apprendre que le match de Ligue nationale qui devait opposer les Mets aux Giants de San Francisco avait été renvoyé à une date ultérieure. Même scénario - il l'entendrait le surlendemain - pour la rencontre qui aurait dû confronter les Argonauts de Toronto aux Eskimos d'Edmonto : elle aurait lieu le dimanche soir. C'était une question de sécurité, et de toute façon les panneaux électriques ne fonctionnaient pas.
Au bout de Pike Street, Sarah ne parvint plus à avancer : les gens formaient devant elle un bouchon compact, peut-être une personne se trouvait-elle mal, avec cette chaleur. Paolo décida que cette soirée perdue pouvait aussi bien être l'occasion d'aller manger chez sa sœur, à l'angle d'East Broadway et de Montgomery Street. Il prit donc la Second Avenue, longea un moment Sarah Roosevelt Park, avant de changer d'idée - peut-être charmé, soudain, par cette ville en marche - et de bifurquer en direction du pont. C'est ainsi qu'il se retrouva arrêté peu après avoir rejoint Pike Street, derrière Sarah qui reculait à présent pas à pas, au fur et à mesure que de nouvelles personnes venaient s'ajouter aux gens déjà agglutinés, anxieuse à l'idée qu'elle risquait de se faire écraser par un mouvement de cette foule qu'elle sentait se former dans son dos. Elle rencontra le torse de Paolo qui ne vit pas le visage de la femme qui venait d'entrer ainsi dans ses bras - en ce début de nuit new-yorkaise.

*****

Selon qu'il les avait aimées à proximité d'une pharmacie ou d'une épicerie asiatique, Julian avait touché des femmes aux reflets bleutés, au dos cyclamen ou lila. Il avait caressé des seins qui disparaissaient sous ses mains au rythme des enseignes lumineuses de l'immeuble d'en face, des ventres dorés par les reflets des lettres immenses qui épelaient le nom de l'hôtel où il les avait emmenées, ces noyées souriantes et irisées, ces souvent muettes passantes opalines. Il avait suivi des yeux les ombres et les faisceaux qui s'égaraient au plafond de chambres beiges, il avait tiré de lourds rideaux qui pourtant ne cachaient pas cette évidence : New York ne dort jamais, New York ne s'éteint jamais, New York est un jour perpétuel, une bouche de lumière et de bruit qui ne cesse de commenter les heures, les minutes, le grand match de la vie en direct, et puis voilà qu'en ce 14 août quelqu'un a touché l'interrupteur, pressé le commutateur, on n'y voit rien, on n'entend rien, une vague rumeur, comme un fleuve au loin, les voitures sont prises dans les embouteillages, les gens marchent dans les rues, parlent à voix basse, presque intimidés par tant de calme.
Une femme dans la nuit, Julian ne connaissait pas. A deviner sous les doigts, sans un regard, sans consentement, que d'interrogations. Les doigts qui se posent sur ce vide nouveau pour lui, devant lui inventé, une femme dans la nuit d'une ville brûlante - n'avait jamais connu, et ça le laissait indécis, comme désorienté et ne sachant, au juste, par où commencer.
- Et si on parlait ?
- Mais de quoi ?
- Je ne sais pas moi, parler...

*****

Peter regardait par la fenêtre : cette ville sans lumière. Il regardait et ne voyait rien, c'était ça le miracle, la fascination. Rien d'autre que l'obscurité et alors, comme de la rue bruissante, montaient des souvenirs et de douces peurs ; des envies de se terrer dans des caves, contre le tissu rigide de la jupe de sa mère, écoutant de toutes ses oreilles des paroles d'adultes qu'il ne comprenait pas entièrement. Il pensa que ces moments-là de sa vie - c'était il y a combien de temps déjà, soixante ans, mon dieu, est-ce possible, soixante ans ? - ces moments-là avaient été les seuls où il se soit jamais senti en sécurité, quelle ironie, bien sûr, mais c'est ainsi pourtant : parmi ces gens aimants et terrorisés, blotti contre sa mère qui lui caressait la tête, le berçait, et tandis que l'on mourait au-dehors, Peter avait connu des moments de bonheur indicibles.
- Tu joues, Peter ?
Il se levait, ouvrait doucement la boîte noire qu'on lui tendait, et du haut de ses huit ans, sans voir où il posait ses doigts, son archet, il faisait résonner dans la cave sombre des chants et des danses qui masquaient les bruits de la ville, qui recouvraient peut-être les visages d'un voile de sourire.
- Tu joues encore, Peter ?
Oui, Peter jouait encore, et il ne jouait que pour eux, ceux qui étaient morts et ne l'entendaient pas, il sortit le violon de sa boîte " et ce soir aussi pour New York sans lumières, New York qui se cache à son tour ", pensa-t-il. Il pensa aussi que ce serait bien, de mourir à présent, de mourir ainsi, mais bien sûr ce n'était pas aussi simple.

*****

Il tenait à la main une lampe ; c'est ainsi qu'il se promenait, Andrew, appuyant une lampe contre son épaule - presque tendrement. C'était une lampe plutôt classique, rien de bien remarquable à présent qu'il y songeait, une lampe au pied en bois décoré de moulures, à l'abat-jour de tissu épais, d'un beau rouge-orangé et qui, chose admirable, pouvait se visser sur le pied, ce qui lui donnait une stabilité rare pour un abat-jour traditionnel. Et puis c'était un cadeau, ce qui n'était pas la moindre de ses qualités.
Ainsi chargé, il arpentait cette ville qui n'avait pas voulu de sa mort, cette ville qui, au moment même où il allait précipiter la lampe dans l'eau du bain déjà fraîche (et il n'était pas certain que ce fût là la raison des frissons qui le parcouraient), avait lancé un " non ! " silencieux, disjonctant tout entière, comme un héros de l'enfance aurait arrêté le bras armé d'un couteau, dévié la trajectoire d'une balle mortelle.
Rien donc.
Pas de choc. Pas d'électrocution. Juste le noir infini d'une salle de bains aveugle.
Alors il était sorti de l'eau, tenant toujours la lampe à la main, il avait cherché une serviette, des habits, il tremblait de tout son corps à présent, une fois sorti de la salle de bains, il s'était rendu compte que ce n'était pas la nuit, pas encore, il tremblait toujours, la cage d'escalier, en revanche, était dans l'obscurité totale, il avait cherché une bougie, des allumettes, mais ça n'avait pas été possible, pas si facile, en somme, d'y voir clair, de comprendre pourquoi tout continuait, alors qu'il avait imaginé que cela finissait, et comment ne pas le prendre comme un signe du destin ? Il était sorti, il avait descendu à tâtons les 327 marches qui le menaient au-dehors, et c'est en arrivant sur le trottoir qu'il avait remarqué la lampe entre ses doigts crispés, il aurait pu la déposer là, avec les poubelles, mais il n'en avait rien fait. Plus tard, il avait croisé un homme fluorescent, un couple avec des casques de mineurs sur le front, une famille accrochée à des lampions allumés comme pour une fête, mais lui c'était sa lampe éteinte qui le guidait dans la ville.

*****

L'enfant s'appelait Max et il avait quatre ans. L'âge où l'on se sait capable de vider l'océan avec son seau et son arrosoir, de tamiser la plage, de punir la mer si elle inonde le château de sable. Il avait dormi et à son réveil les invités étaient là, il y avait du monde parlant, buvant sur le balcon de ce dix-septième étage, il y avait des piles d'assiettes et des verres dépareillés, quelques serpentins, des moustaches de feutre fatigué sur la table, et puis des photophores aussi, mais il n'avait vu que le gâteau, le très grand gâteau au chocolat surmonté de quatre bougies devant lequel sa mère l'installait à présent, réclamant le silence, passant ses doigts dans les cheveux mouillés de transpiration de son enfant, alors chacun s'était tourné vers lui qui, debout sur une chaise, avait gonflé ses poumons comme s'il aspirait tout l'air de la nuit, et il avait soufflé…
Levant alors les yeux, il avait vu. La ville. Les lumières de la ville. Disparues. Il avait, d'un seul souffle, éteint toutes les lumières de la ville. Fantastique.
- Dis Maman, tu as vu ?
- Oui, bravo mon chéri. Je suis fière de toi.


*****

Lucie aimait faire développer ses photos en une heure ; la publicité disait " juste le temps qu'il nous faut, juste le temps qu'il vous faut ". Et ce temps-là, Lucie le tuait à coups de reins sur le ventre d'hommes d'affaires pressés et peu enclins à la discussion, puis elle sortait s'acheter, en guise d'absolution, un petit pain en forme de croix dont elle fouillait de sa langue le creux où les deux bras de pâte se rejoignent, dans une débauche de crème à la vanille. Généralement de très bonne humeur, elle se retrouvait derrière la vitrine une heure exactement après avoir déposé sa pellicule, impatiente de découvrir ce que ses photos nocturnes avaient donné, cette semaine-là. Mais il n'y avait pas de photos. Panne d'électricité, Mademoiselle, vous l'aurez remarqué. Mais ne soyez pas si catastrophée, ce n'est que partie remise. Non, pour ce soir c'est de toute façon trop tard. Revenez demain. Ce que vous allez faire de votre temps ? Mais je n'en sais rien, moi. Promenez-vous. Profitez un peu de cette soirée d'été qui commence… Vous dites ? Ah non, désolé. J'ai une petite amie, vous comprenez.
Lucie ressortit, dépitée, son appareil autour du cou.

*****

Parler s'était avéré plus difficile que prévu. Julian se leva, regarda par la fenêtre ouverte et dit :
- Je descends, j'ai besoin d'air.
La femme sur le lit ne bougea pas. Elle dormait peut-être.

*****

Elle entendit le violon de Peter, Lucie, comme les autres, et comme les autres elle s'arrêta au bas de l'immeuble, leva la tête. De ne rien voir, c'était comme entendre mieux, pensa-t-elle, et elle sortit son appareil photo. Elle arma le flash, prit plusieurs clichés de ceux qui étaient là, visa aussi le haut de l'immeuble, ça ne donnerait rien mais tant pis, elle au moins saurait qu'à l'instant de la photo un air de violon transperçait la ville, et le surlendemain, au moment où Lucie serait occupée à plonger sa langue dans le puits de crème à la vanille, l'employé du Quick Photo Services pourrait voir apparaître, s'il en avait le temps, une succession de scènes étranges : au pied de ce qui devait être un immeuble, un petit groupe de personnes levait la tête mais aucune ne regardait exactement dans la même direction que son voisin ; il y avait là un couple, l'homme se tenait derrière la femme, il l'avait entourée de ses bras et sa bouche disparaissait dans la chevelure brune de sa compagne (elle porte des baskets, notera Lucie à son tour, qui détonnent un peu avec son petit ensemble strict), il y avait un enfant (trois, quatre ans ?, se demandera-t-elle, pas très avertie en la matière…), sa mère sûrement et quelques personnes habillées de couleurs vives, qui semblaient en grande discussion, et comme échappées d'une fête, un verre à la main et un chapeau de papier sur la tête ; il y avait un homme seul qui regardait l'objectif (qui me regardait moi, alors, pensera Lucie, et elle le trouvera élégant, se dira qu'il travaillait peut-être sur Wall Street), il y avait un autre homme, plus jeune, qui tenait une lampe dans ses bras (oui, une lampe, c'est bien ça, étrange, quand même, avec cette panne d'électricité en plus…) et souriait tout seul, un sourire en forme de question, mais laquelle ? Et la dernière photo, Lucie se souvient, le violon s'était tu, et tous ils étaient repartis, on voit encore l'enfant, de dos, et le fil de la lampe qui traîne un peu par terre, le silence, on l'entend presque.

(Peut-être que si Lucie s'était attardée un peu, si elle avait supporté mieux le calme qui suit la musique, elle aurait pris encore un instantané, une toute dernière image nocturne où l'on aurait aperçu - mais sans certitude aucune, juste une éventualité, presque une interrogation - on aurait aperçu comme une ombre obscurcissant le bord droit, en haut de l'image, une longue forme arrondie, de couleur foncée, pénétrant à peine dans le cadre, un dixième de seconde plus tard on aurait su avec certitude ce qu'il en était, de ce qui doit bien représenter les derniers mètres d'une chute dans le vide - mais de quoi, un climatiseur ? Un téléviseur ? La forme ne correspond pas ? plus allongée, plus arrondie, vous pensez ? Un violon ? Oui, ça aurait pu être un violon, ou l'étui d'un violon, mais aussi, c'est si proche d'une forme humaine, et avec l'obscurité qui régnait cette nuit-là dans la ville… Ainsi un homme, vous croyez ? Mais non, c'est fini tout ça, les hommes ne tombent plus. C'est une histoire déjà vieille. Vous dites ? Ah oui, bien sûr. Il est vrai qu'il y aura toujours cette incertitude sur la lumière.)

Sylvie Neeman Romascano

 

Page créée le: 02.06.04
Dernière mise à jour le 02.06.04

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