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Journées littéraires de Soleure 2001
Un reportage signé Anne Lavanchy
Photos et complément sur Orelli de Francesco Biamonte

  Permanence et changements

Pour la vingt-troisième fois, Soleure consacre les trois jours du week-end de l’Ascension à la littérature. Dans les grandes salles du Landhaus défilent les auteurs qui lisent leurs textes et présentent leur œuvre. Dehors, l’Aar brille sous le soleil, et l’eau se reflète parfois sur le plafond.

Mais le véritable cœur de la manifestation bat devant le Landhaus où les bancs et tables du Restaurant Kreuz accueillent les assoiffés. C’est là que se nouent les conversations, que se font les rencontre informelles et amicales.

Il y a vingt-trois ans, les Journées littéraires voulaient offrir aux auteurs un lieu où ils pourraient rencontrer leur public, lire leurs textes, faire connaissance entre eux. Il y a vingt-trois ans, Soleure était un rendez-vous unique. Depuis, le nombre de manifestations de ce genre s’est multiplié, les auteurs et le public ont d’autres lieux où se rencontrer. Est-ce que cela a changé quelque chose aux Journées littéraires de Soleure ?

Certainement pas dans la nature profonde des Journées, qui restent un lieu convivial et ouvert, sans autre but que la rencontre et le plaisir de la lecture, contrairement par exemple au Salon du livre à Genève. Il n’y a pas de redondance avec d’autres manifestations estiment les organisateurs. Soleure est et reste unique.

Ce qui a changé, c’est que les Journées littéraires ne sont plus une manifestation aussi pointue et engagée politiquement. Elles sont devenues une rencontre plus orientée grand public, dont la vocation est d’offrir aux amateurs de livres la littérature qui leur convient. On trouvera donc aux Journées littéraires aussi bien des auteurs à succès et reconnus tels que Birgit Vanderbeke, Adolf Muschg ou Jean-Luc Benoziglio que des jeunes auteurs à connaître comme Birgit Kempker, Marie Gaulis ou encore des écrivains secrets comme Charles Juliet. L’idée est de satisfaire une large spectre d’attentes. Cette nouvelle politique n’est pas liée à une volonté délibérée de faire concurrence à d’autres offres, mais plutôt à un glissement et un changement d’orientation dus, entre autres, à la rotation, voulue, des responsables des Journées.

Dès 1992, les Journées littéraires convient également des auteurs d’autres pays dans le souci d’être une manifestation ouverte au monde. Des auteurs français, allemands et italiens sont invités, souvent en tant que « hôtes d’honneur », et chaque année on découvre à Soleure la littérature d’un autre pays. Cette année, trois auteurs ukrainiens, Andrej Kurkow, Oksana Sabushko et Serhij Shadan permettaient une première prise de contact avec cette littérature.

 

  Soleure, lieu de rencontre entre les quatre cultures suisses ?

Une des vocations de Soleure était d’être un lieu de rencontre pour les auteurs suisses écrivant dans les différentes langues nationales. Pari plus ou moins réussi, puisque la découverte d’auteurs écrivant dans une autre langue reste difficile. En Suisse romande, Soleure est perçu comme une manifestation à caractère essentiellement alémanique, et rare est le public francophone qui se déplace pour aller écouter les auteurs francophones lire leurs textes en français, et encore moins les auteurs alémaniques qui lisent leurs textes en allemand. Inversement, le public Suisse allemand boude les lectures en français, soit parce qu’il ne connaît pas l’auteur, soit parce qu’une lecture en français dépasse ses compétences linguistiques.

Peut-on dire pour autant que l’aspect inter-linguistique ou inter-culturel ne rencontre aucun écho ? Pas vraiment, car l’intérêt pour tout ce qui franchit les barrières linguistiques est très fort. Ainsi les ateliers de traduction rencontrent un certain succès. Peut-être est-ce lié au fait que la région est, de par son histoire, sensible au bilinguisme ? Quelle qu’en soit la raison, un public nombreux s’intéresse aux manifestations qui se déroulent dans les deux langues.

 

  Offres diverses

Mais Soleure ne se consacre pas seulement à la littérature au sens étroit du terme. Le visiteur découvre une table ronde consacrée à la question de la formation et de la culture, trois manifestations autour de la littérature online, la littérature ukrainienne, sans parler d’une exposition consacrée à la naissance des livres d’images pour enfants. Une pièce de théâtre est jouée dans les rues de Soleure, de sorte que le visiteur, quelque peu perdu, ne sait plus si les quatre mafieux plus vrais que nature sont des Siciliens en goguette ou des acteurs attendant de jouer leur rôle.

Sur l’initiative de Beat Matzenauer, la littérature online était à l’honneur cette année. Les poètes Döhl et Auer, issus des mouvements de la poésie concrète et du Ready Made, convient les spectateurs à tuer un poème online. L’arme du crime : un revolver chargé d’un mot qu’on élimine du texte en cliquant. Le texte ainsi modifié finit par disparaître. D’autres œuvres entre texte et représentation graphique peuvent ainsi être découverts aujourd’hui encore à l’adresse Internet suivante : www. Litertur-tipp.ch. Ces nouvelles formes de littérature ont attiré un public nombreux et curieux. Tout le monde n’a pas été convaincu, mais, selon Beat Matzenauer, l’intérêt suscité justifiait largement une telle manifestation.

Sous l’impulsion de Beat Matzenauer toujours, de nouvelles formes de lectures, à mi-chemin entre le théâtre et la musique, ont été explorées dans le cadre d’un poetry-jam où deux auteurs jouent et improvisent avec leurs textes. Là aussi le public est venu nombreux pour découvrir des textes littéraires présentés de manière à privilégier leur musicalité et leur rythme.

 

  La littérature Suisse romande est-elle dominée par les femmes ?

Le même week-end, Sybille Birrer, également responsable pour le programme des Journées littéraires, consacrait un excellent article dans la NZZ au manque de relève des femmes dans la littérature Suisse allemande. Ce que les Allemands appellent le Fräuleinwunder est quasi inexistant en Suisse allemande. A part Zoé Jenny, les femmes publient plus tard que leurs collègues masculins, et malgré un nombre important de femmes inscrites au Netz (association qui regroupe des femmes écrivains) rares sont celles qui publient avant 35 ans. Un manque de relève qui se reflète également dans une présence féminine relativement peu dense à Soleure, puisque « seulement » 38% des auteurs étaient des femmes comme l’a fait remarquer une visiteuse critique.

Klaus Merz - Erika Pedretti devant le Landhaus

Du côté romand, la balance penchait pourtant dangereusement en faveur des femmes, puisque sur les sept auteurs invités, cinq étaient des femmes, entre autres Monique Tornay, Marie-Claire Dewarrat et Sylviane Chatelain. Précisons qu’aucune d’entre elle était un auteur « précoce » puisque toutes avaient 35 ans ou plus. Le question reste ouverte de savoir si ce déséquilibre était dû uniquement au hasard ou s’il est le reflet d’une réalité ?

Anne Lavanchy

 

  Giorgio Orelli / par Francesco Biamonte


Le 80ème anniversaire du poète tessinois Giorgio Orelli, en grande forme, a en outre été célébré lors d'une soirée-hommage très attendue.

Au programme figuraient plusieurs allocutions, notamment l'éloge prononcé par Giovanni Orelli, cousin et ami, et autre grande plume de la Suisse italienne. Le compositeur Hans Ulrich Lehmann a dirigé en création mondiale une œuvre sur des poèmes de Giorgio Orelli pour baryton, violoncelle, et clarinette basse, commandée pour l'occasion par les Journées littéraires de Soleure. Last but not least, un volume de mélanges en l’honneur de Giorgio Orelli lui a été remis par l’éditeur Libero Casagrande et par Pietro De Marchi, chercheur et poète, qui en a assumé l'édition.

 

Page créée le: 09.10.01
Dernière mise à jour le 09.10.01

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