Coupe du budget de Pro Helvetia : le Culturactif s'insurge

L'affaire Hirschhorn doit changer de nom : c'est désormais l'affaire Démocratie, Culture et Politique, tant il est vrai qu'elle illustre un coup de force du pouvoir politique et une crise de la démocratie suisse, particulièrement douloureux pour quiconque dans ce pays croit qu'une culture libre rend la vie plus digne d'être vécue.

Des événements de ces derniers jours se dégagent des confusions, des amalgames, une ignorance institutionnelle inacceptable du Conseil des Etats, à moins que ce ne soit carrément une volonté révoltante de contourner l'esprit des institutions démocratiques au profit de la majorité politique en place. Le tout dépassant de toute manière le débat gauche-droite, et n'ayant manifestement qu'un rapport ténu à l'exposition Hirschhorn, que presque aucun parlementaire n'a pu voir avant de voter - et que nous nous gardons bien de défendre ou de critiquer puisque nous ne l'avons pas vue…
Qu'est-ce que Pro Helvetia, d'abord ? Un organe censé permettre un financement national de la Culture qui jouisse d'une réelle indépendance vis-à-vis du politique. A travers des commissions d'experts, Pro Helvetia a pour but de garantir que le subventionnement de l'art ne relève ni de la propagande, ni du sponsoring d'Etat, bref, que l'art soit subventionné sans être acheté. Non que Pro Helvetia soit au-dessus de toute critique. Mais il importe d'en comprendre la fonction. La sanctionner de façon aussi directe - puisqu'il ne s'agit pas d'une rediscussion du budget arrivant en son temps, mais bien d'une sanction directe - nie précisément cette indépendance, et revient à lui retirer son mandat, sa raison d'être.
Ceux qui protestent en affirmant que Pro Helvetia a pour mission de donner une image positive de la Suisse à l'étranger n'ont pas tort. Seulement voilà, c'est d'une image positive de la vitalité culturelle de la Suisse qu'il s'agit, non du prestige des élus et du lustre de l'Etat. Pour ce qui est de la vitrine marchande de la Suisse à l'étrange, de son image de marque, elle relève d'un autre bureau, qui s'appelle Présence Suisse. Il est très gênant qu'une bonne des politiciens et de la presse aient ignoré ce point.
A noter en outre qu'un pays capable d'assumer un système de subventionnement de la culture qui rend possible une critique des élus et des institutions démocratiques prouve au moins son esprit démocratique. La Confédération a prouvé au contraire que c'est son appareil d'Etat qu'elle défend, et non ses valeurs. Ses représentants et non sa démocratie. En confisquant une part certaine (bien plus qu'un million) de l'autonomie de la culture nationale une année après l'accession de Christoph Blocher au Conseil Fédéral, les Chambres font un pas certain en direction de l'autoritarisme, d'un contrôle plus direct de la culture par l'Etat. Le sans-gêne avec lequel les parlementaires ont voté dans des délais qui ne leur permettaient pas de prendre connaissance des dossiers ne peuvent que renforcer notre inquiétude.

Pour le Culturactif
Francesco Biamonte