retour à la rubrique
retour page d'accueil


Jean-Jacques Furer

 

 

Et quand je serai assis
dans cette nuit sans lune
d’une immense caverne au toit trop bas

Quand je serai assis à attendre
dans la boue humide et l’air glacé
en frôlant de la tête le plafond visqueux

Quand je serai ainsi assis à attendre
écoutant dans une autre flaque
les soupirs d’autres attendants

Quand je serai ainsi assis à attendre
sous la longue plaine grise
la fin du long mot fin

Quand je serai ainsi assis
comment pourrai-je ainsi
rester assis à attendre

À attendre une attente
en comptant sur ma tête
les gouttes suintantes

Ne pas me lever
pour m’assommer au roc

Ne pas ramper ensuite
à croupetons dans la boue

Parmi les jurons irrités
des anciens momifiés

Ne pas hurler sans écho
de me perdre sans fin

À chercher un sens
à tout ce non-sens

Et mourir mille fois
tombant de niveau en niveau

Dans les flaques de boue
de nuits identiques

 

Traduction de Pierre Lepori

 

 

E quando sarò seduto
in questa notte senza luna
d'una caverna immensa dal tetto troppo basso

Quando sarò seduto ad aspettare
nell'umida melma e l'aria ghiacciata
sfiorando con la testa il soffitto
vischioso

Quando sarò seduto in questo modo ad aspettare
ascoltando in un'altra pozza
il sospiri di altri che attendono

Quando sarò seduto in questo modo ad aspettare
di sotto la pianura vasta e grigia
la fine della lunga parola fine

Quando sarò seduto in questo modo
come potrò restare in questo modo
seduto ad aspettare

Ad aspettare l'attesa
contando sopra la testa
il cadere delle gocce

Non alzarmi
per sbattere la testa sulla roccia

Non salire, poi,
a quattro zampe nel fango

Tra bestemmie d'irritazione
d'altri ormai mummificati

Non urlare senz'eco
di perdermi infinitamente

A cercare un senso
a tutto questa insensatezza

E morire mille volte
cadendo di piano in piano

Nelle pozze di fango
delle notti identiche

 

 


Et plus rien ne reste maintenant
que les os nus et la peau
desséchée

Plus rien ne reste des yeux
qui tellement ont pleuré
ni des lèvres
qui tellement se tendirent
ni des mains
qui voulurent s’entrouvrir

Et plus rien ne reste de ce qui
remplissait
ce crâne-coupe
abandonnée au sable

Et pourtant ces os
morts
et ce crâne
vide
et ces orbites
creuses

N’ont pas de paix
N’auront de paix!

Car ci le vent
joue son orgue
par les yeux
pleurant rosée
et bat en cœur
sous côtes-arceaux
pour gonfler ori-
peaux de vie

Et ci le gel
et le soleil
ouvrent et ferment
les doigts d’ivoire
en offrande ou refus
forçant conscience

Et ce squelette
jeté en vie
et ce squelette
mâchoire tombée
rit atrocement
sous larmes d’emprunt

 

 


Un ciel de lune immobile
un horizon écrasant
de montagnes déchiquetées
en pics de glace noire
une gorge profonde
où se rompent les os
des larmes gelées
en fleurs acérées
des reflets d’anthracite
en silence éternel
la solitude figée
et la mort à jamais
voici que de ma quête
je te retrouve
pour me coucher à ton sol
ô mon pays

 

 

Tu es une journée de printemps
brillant en plein novembre
Tu es le bras tendu
pour enlacer et consoler

Tu es le reflet de l’eau sur le mur
pour calmer la blessure des yeux
et les pins sur le ciel bleu
pour affirmer encore l’espoir

Tu es le visage entre les nuages
vers lequel se lèvent adorants
les sourires en larmes
et les mains aux doigts brisés

 

Extrait de : Agonie vitale


Page créée le: 09.10.01
Dernière mise à jour le 27.11.03

© "Le Culturactif Suisse" - "Le Service de Presse Suisse"