Gustave Roud
Salut à quelques peintres, La bibliothèque des arts

Gustave Roud / Salut à quelques peintres

Roud et ses peintres textes réunis par Doris Jakubec

Préface de Philippe Jaccottet

Avec le présent volume s’achève, et j’en suis heureux, la tâche que j’avais accepté d’assumer à la fin de la vie de Roud : la publication, définitive, de ses livres majeurs, regroupés désormais dans les trois volumes des Écrits, mais aussi celle de textes plus marginaux comme Haut-Jorat, Lectures, Les Fleurs et les saisons, sans oublier le Journal. (Encore faudra-t-il, bien sûr, persévérer; pour veiller à ce que tous ces livres restent ou redeviennent disponibles, leur assurer une diffusion plus large, comme pour les principaux travaux de traduction –le Hölderlin devant très opportunément reparaître bientôt–; sans parler d’éventuelles publications de corres- pondances, et de l’apport toujours précieux des " Cahiers Roud".)

Le 10 novembre 1975, Gustave Roud m’écrivait : "Le projet que Daulte a élaboré [album de textes sur des amis peintres] agit comme un paralyseur sur mon épistolat et

la mise au point de mes rééditions " ; et un peu plus loin : " Pour l’instant il attend patiemment [Daulte] que je lui fasse le signe promis et toujours différé, tant cet album pictural me laisse irrésolu, au grand dam des rééditions urgentes ! "

Comme à l’accoutumée, donc, Roud a hésité : toujours trop humble et peu sûr de lui, surtout devant des textes écrits en marge de son œuvre lyrique. Aujourd’hui, nous pensons que François Daulte avait eu raison de lui suggérer pareil projet, et qu’il fallait enfin lui donner forme. Précisons seulement que le présent volume reprend un seul texte sur chacun des peintres à propos desquels Roud s’est exprimé entre 1920 et 1966, René Auberjonois compris, puisque les quelques vingt-cinq articles que Roud lui a consacrés viennent de paraître en même temps que les lettres du peintre au poète.

Au seul vu de la table des matières, le lecteur s’avisera que Roud, comme dans le domaine de la critique littéraire, n’aura écrit qu’exceptionnellement sur d’autres peintres que ses proches voisins. Quand il l’a fait pour Poussin, Seurat, Cézanne, on comprend que ce fut pour saluer des maîtres, et même des modèles qui lui furent sa vie durant particulièrement chers ; et l’on ne s’étonnera pas qu’il s’agisse, dans le cas de Poussin, d’un des plus beaux textes du recueil. N’avait-il pas compté parmi les " rencontres inouïes " de sa vie, dans Essais pour un paradis, le Poussin des Funérailles de Phocion ? C’est-à-dire une œuvre où la mort s’inscrivait dans un grand paysage concerté non pas comme une déchirure, mais comme une note simplement plus sombre dans une harmonie aussi complexe et souveraine que celle de Bach (celui-ci, d’ailleurs, cité tout naturellement comme une autre de ces rencontres capitales).

On ne devrait pas s’étonner non plus que Roud ait consacré à l’œuvre de René Auberjonois plus d’une vingtaine d’articles, entre 1922 et 1972 : un demi-siècle de fidèle et parfois savoureusement combative admiration. Ramuz et Auberjonois ont été pour le poète, dès ses débuts, les deux modèles de ténacité, de dignité, d’exigence et de courage dont un jeune écrivain, fils de paysan et qui allait vivre toute sa vie dans la ferme familiale en plein cœur du Jorat, avait besoin pour fortifier sa vocation propre et se confirmer qu’il était possible d’aboutir, en partant du réel le plus proche, de la campagne où il vivait, par une patiente décantation, à des résultats aussi denses et aussi purs que ceux, si différents fussent-ils, d’un Mallarmé (mais, de ce réel, Roud était, en fait, moins naturellement proche que Ramuz ou Auberjonois ; ce qui explique sans doute que l’admiration, entre eux, n’ait pas été rigoureusement réciproque, ni les relations toujours faciles).

Quoi qu’il en soit, Roud aura été de ceux qui défendirent avec le plus de chaleur et de constance, dans notre pays, un grand peintre alors plus que controversé ou méconnu – et il en aura parlé mieux que personne. De même qu’il a écrit les choses les plus pertinentes sur quelqu’un qui a compté dès leur jeunesse parmi ses amis les plus proches, Steven Paul Robert, dont il a salué à plusieurs reprises l’art sévère et ferme (solide comme du beau latin, cette langue que Robert admirait entre toutes).

Si nous avons repris (en dehors de ceux qui faisaient plus ou moins double emploi) tous les textes que Roud a consacrés à d’autres peintres de notre pays même s’ils ont compté un peu moins à ses yeux, même si quelques-uns d’entre eux sont un peu oubliés aujourd’hui (non pas Bischoff, je pense, ni Jean Clerc, ni heureusement, le bien vivant Palézieux, ni le cadet de tous, Jean Lecoultre – mais Vaudou, Viollier, Hartmann), c’est d’abord parce qu’à chaque fois, dans l’approche de ces œuvres, Roud a su faire les pas amicaux qui seuls, permettent une compréhension juste; et c’est, ensuite, parce que l’ensemble de ces textes me paraît sauvegarder utilement un moment de l’histoire de l’art dans notre pays, tel qu’il a été nourri par des peintres dont aucun n’était, tout le moins, un " faiseur " : tout au contraire, chacun d’eux aura dit plus ou moins modestement – trop modestement, trop sagement peut-être – une relation intime avec le monde, avec le paysage en particulier, à laquelle Roud ne pouvait qu’être sensible.

Ainsi de petites touches même marginales (comme en apportent assurément quelques-uns des textes ici recueillis) viennent-elles enrichir, confirmer, tant elles sont bien de lui, dans sa pudeur, son tact et sa capacité d’admiration, l’image de Roud telle que l’édition de tous ses écrits nous la propose, discrètement souveraine, fidèle, humble et fière tout à la fois.

Philippe Jaccottet

 

"On ne devrait pas s’étonner non plus que Roud ait consacré à l’œuvre de René Auberjonois plus d’une vingtaine d’articles, entre 1922 et 1972 : un demi-siècle de fidèle et parfois savoureusement combative admiration."

Philippe Jaccottet dans la Préface de Salut à quelques peintres

 

Notes préparées par Claude-Anne Borgeaud et Claire Jaquier

Association des Amis de Gustave Roud

L'Association des Amis de Gustave Roud se propose de contribuer au rayonnement de l'œuvre de Gustave Roud. Elle veille à assurer l'édition ou la réédition des œuvres du poète et publie des Cahiers Gustave Roud, destinés à la publication d'inédits, de lettres ou de documents rares. Les Cahiers peuvent également être consacrés à des approches critiques renouvelant la compréhension de la poésie de Roud ou celle de la poésie romande ou française de la première moitié du XXe siècle.

Grâce au soutien de ses membres, l'Association collabore à l'organisation de colloques, de concerts ou d'expositions qui illustrent l'œuvre du poète et contribuent à sa diffusion.

Vous pouvez adhérer à l'association ou commander des Cahiers en écrivant ou en envoyant un e-mail directement à :

Association des Amis de Gustave Roud
Mme Micheline Morel
CH-1084 Carrouge (VD)

La cotisation annuelle est fixée à CHF. 25. - et la cotisation unique de membre à vie à CHF 300. -
Adresse e-mail : claire.jaquier@lettres.unine.ch

Roud : repères biographiques

Né à Saint-Légier (Vaud) le 20 avril 1897, Roud s'installe avec ses parents en 1908 à Carrouge dans le Haut-Jorat dans une ferme héritée du grand-père maternel. Il y passera toute sa vie, jusqu'à sa mort à l'hôpital de Moudon le 10 novembre 1976. Roud fait des études classiques et obtient une licence de lettres à l'Université de Lausanne. Ayant renoncé à l'enseignement après une tentative malheureuse, il se consacre dès lors entièrement à l'écriture poétique, à la traduction, tout en collaborant à plusieurs revues et maisons d'édition de Suisse romande.

Gustave Roud se trouve ainsi en contact avec de nombreux artistes et écrivains de son temps. Parmi les écrivains, citons C.F. Ramuz, Georges Borgeaud, Philippe Jaccottet, Maurice Chappaz, Jacques Chessex; et parmi les peintres, Seven-Paul Robert et René Auberjonois.

Roud: L'Oeuvre

L'essentiel de l'œuvre tient en trois volumes édités par la Bibliothèque des Arts en 1978. Ces volumes regroupent les recueils parus séparément : Adieu (1927), Feuillets (1929), Petit Traité de la marche en plaine (1932), Essai pour un paradis (1932), Scène (1941), Pour un moissonneur (1941), Air de la solitude (1945), Le Repos du cavalier (1958), L'Aveuglement (1966), Requiem (1967), Campagne perdue (1972). Ces Ecrits forment, avec le Journal paru en 1982 chez Bertil Galland, le noyau de l'œuvre. D'autres œuvres sont actuellement disponibles, notamment des recueils de textes parus en revue, ainsi que des volumes de correspondance.

Le Fonds Gustave Roud est déposé à Lausanne au Centre de recherches sur les lettres romandes (Université de Lausanne). http://www.unil.ch/ctl

Le Fonds photographique Gustave Roud, contenant environ 11'000 clichés, a été, lui, déposé à la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne.

Roud: Cahiers Gustave Roud

Cahier n° 1. Les poèmes en vers et en versets
Avant-propos par Philippe Jaccottet. 1980. 86 p. Ill. & fac-similé.

Cahier n° 2. Lettres de jeunesse 1915-1922. Gustave Roud - Steven-Paul Robert /Edition préparée par Doris Jakubec, Anne Perrier et Françoise Reymond-Robert. 1981.70 p. Ill.

Cahier n° 3. Traductions éparses / Présentation par Philippe Jaccottet, avec la collaboration de Doris Jakubec. 1982. 79 p.

Cahier n° 4. L'Imagier (Photographies de Gustave Roud)
Choix et présentation des photographies de Pierre Smolik. 1986. 62 p.

Cahier n° 5. Approches de l'œuvre de Roud. Actes du colloque de Lausanne, 1986. Présentation de Doris Jakubec. 1987. 61 p.

Cahier n° 6. Proses éparses - Choisies et annotées par Anne-Lise Delacrétaz et Claire Jaquier. Présentation de Claire Jaquier. 1989. 142 p. CHF 35.

Cahier n° 7. Correspondance Gustave Roud-Edmond-Henri Crisinel (1928-1947)
Edition établie par Anne-Lise Delacrétaz. Avant-propos de Doris Jakubec. 1997. 74 p. CHF 23. -

Cahier n° 8. Correspondance Gustave Roud-Pierre-Louis Matthey (1932-1969)
Edition établie par Anne-Lise Delacrétaz. Avant-propos de Marion Graf. 1997. 76 p.

Cahier n° 9. Correspondance Gustave Roud-Catherine Colomb (1945-1964)
Edition et avant-propos par Anne-Lise Delacrétaz. 1997. 70 p.

Cahier n° 10. Gustave Roud - Requiem
Présentation, lecture et analyse des manuscrits par Adrien Pasquali. 1997. 110 p.

Roud: publications récentes

Salut à quelques peintres. Textes réunis par Doris Jakubec. Préface de Philippe Jaccottet. Lausanne, La Bibliothèque des Arts, 1999. Ill. 124 p. Isbn 2-88453-068-1

René Auberjonois : Avant les autruches, après les iguanes… Lettres à Gustave Roud, 1922-1954. Edition présentée et établie par Doris Jakubec et Claire de Ribaupierre Furlan, avec la collaboration de Valérie Panchaud. Lausanne, Editions Payot Lausanne et le Centre de recherches sur les lettres romandes, 1999. Ill. 479 p. Isbn 2-601-03215-4

Adieu / Requiem. Postface de Claire Jaquier. Carouge-Genève, Ed. Zoé, 1997. MiniZoé n° 25.
60 p. Isbn 2-88182-295-9.

Ici ce conte. Fac-similé et version typographique. Lithographies originales de Gérard de Palézieux. Texte de 1917, établi par Claire Jaquier. Lausanne, Editions Raynald Métraux, 1997.

Correspondance Gustave Roud-Maurice Chappaz 1939-1976. Edition établie et annotée par Claire Jaquier et Claire de Ribaupierre. Carouge, Ed. Zoé, 1993. Ill. 451 p. Isbn 2-88182-181-2

Les fleurs et les saisons. Photographies de l'auteur. Edité par Philippe Jaccottet. Genève,
La Dogana, 1991. Ill., 108 p.

 

La Bibliothèque des Arts - Collection Pergamine

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  • Philippe Jaccottet
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    Figures de la Métamorphose

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