Patrick Amstutz
s'attendre, Editions Empreintes, 2002

Patrick Amstutz / s'attendre

"Ces poèmes se distinguent d'emblée par une cohérence interne et un élan qui ne trompent pas : ils répondent à une nécessité. Leur densité prend source en une image surgissante, soutenue par la sûreté de la frappe prosodique.

Et j'aime particulièrement ces vers qui disent si bien que l'on peut mourir ailleurs qu'en soi-même."

Henri Thomas (1991)

Patrick Amstutz est né à Bienne, où il vit. Il a publié des poèmes, des textes littéraires et des articles critiques dans diverses revues, suisses, françaises et italiennes. Il a dirigé La Langue et le politique. Enquête auprès de quelques écrivains suisses de langue française (L'Aire, 2001) et Jean-Georges Lossier (Revue de Belles-Lettres n° 3-4, 2001). s'attendre est son premier recueil de poésie.

Patrick Amstutz, s'attendre, Editions Empreintes, 2002.

 

Deux poèmes

Sous le nuage que le vent spatule,
un peu plus d'air, dessous, peut-être,
mais de fouine à lune jamais ne se passe
une nuit que ne casse la branche d'un coucou
et, tremblant dans les brindilles, vieilles,
ne se meurent des voix, mais blêmes
de n'être attendues par personne.

Qui s'étonne encore, le matin,
de n'entendre que les corneilles ?

***

Phalène pris au piège d'une corolle blessée,
efface en la brisure ce qui fane, rompu.
Colle un instant tes ailes pour la soeur délaissée
et la trompe égarée, caresse le calice.

Déjà le vent s'absente
vers la forêt d'arolles.

Extraits de : s'attendre, Patrick Amstutz, Editions Empreintes, 2002, p. 40-41.

 

Revue de presse

Lectures

On ne dira jamais assez la valeur de la contribution des écrivains de Suisse Romande à notre littérature francophone. Ces derniers mois, plusieurs publications de grand intérêt ont vu le jour : […] <Avec> s'attendre (Empreintes), le poète, " époux de l'aube ", capte les fines traces du temps. Ses vers s'arment de silences, se voilent de pénombres, font vibrer des notes d'émotion. […]

Gérard BOCHOLIER
ARPA N° 78
Clermont-Ferrand, octobre 2002, p. 110.

D'une voix l'autre

Patrick Amstutz est né à Bienne, où il vit. […] Il a publié son premier recueil de poésie : s'attendre. Voici ce qu'écrivait à son propos Henri Thomas en 1991 : " Ces poèmes se distinguent d'emblée par une cohérence interne et un élan qui ne trompent pas : ils répondent à une nécessité. "

Paul ASSELINEAU
Aujourd'hui Poème N° 40
Paris, avril 2003, p. 17.

D'un lent voyage vers l'équateur

Les livres les plus beaux disent une transfiguration. Si la première image que peint le jeune iconographe est celle du Mont Tabor, s'attendre s'inscrit dans la réinvention (non dans l'influence) d'une telle tradition. Sa lecture est d'autant plus intense que la métamorphose se voit ici réinventée. Elle n'a pas lieu dans l'éclat, mais dans le voyage. Elle n'équivaut à nulle échappée du monde, mais à la rencontre de la vie - d'une vie vécue de se briser, pour entreprendre une navigation avec l'autre. Et si la mort la borne, elle n'apparaît plus comme une malédiction.
[…]
Ce dessaisissement accepté, il faudrait le nommer chasteté, non du tout vis-à-vis d'éros, dont il permettra au contraire le chant, mais de toute complaisance envers soi-même. La rencontre de l'autre, proprement érotique, est dès lors possible, et s'ouvre tout un monde de joie, de saveurs, qu'il s'agit d'arpenter. Le livre ira vers l'équateur qui, dans le dernier poème, " saigne " de la " bouche " de la fiancée. Mais si la jeunesse gagne en définitive la partie, ce ne sera qu'au prix d'un autre renversement : à sa jouissance, il conviendra de préférer un devoir de conscience. Car ce monde traversé est bien aussi celui qui assassine les enfants, qui commet les sacrilèges. Le sujet dessaisi se choisit au contraire adulte, et s'il s'embarque dans la navigation, c'est en se plaçant sous le signe d'Ulysse.
[…]
Ainsi sont évoquées à la fois la gravité de la vie, et la possibilité de la vivre autrement, allégé, sur les divers tons qu'elle propose. Alors Ulysse peut retrouver Pénélope - dans un sacre.

Patrick SUTER
Ecriture N° 60
Lausanne, automne 2002, p. 139-140.

Tempus fugit

Patrick Amstutz publie, avec s'attendre, son premier recueil de poésie. Bien que ces poèmes aient été écrits de 1990 à 1996 - alors que l'auteur avait entre vingt-trois et vingt-huit ans -, il ne s'agit pas pour autant de poèmes " de jeunesse ", tant la maîtrise des images, la profondeur de la réflexion et la justesse du ton forcent l'admiration.
[…] Puisant sa force dans l'enseignement du passé - ou plutôt du temps qui passe, car le temps n'est ici jamais figé, mais bien plutôt un mouvement essentiel -, s'attendre peut se lire comme une longue et belle méditation sur le tempus fugit.
[…]
On pourrait croire […] ici ou là, à quelque hermétisme - qui incombe d'ailleurs pour partie à un lexique parfois " technique " (allusions marquées aux mondes marin et botanique), et qui renvoie donc plus d'une fois le lecteur sinon à son incurie, du moins à son dictionnaire -, mais jamais Patrick Amstutz ne s'enferme dans une quelconque tour d'ivoire, ni ne toise son lecteur ; bien plutôt, le travail de dépouillement qu'implique le poème est en fait d'abord dépouillement de soi, ou du " moi ", et place est alors faite à une altérité : chaque texte est un lieu de rencontre, entre le " je " et l'autre. À l'image de ce " tu " du premier poème (" se noyer dans tes eaux "), une présence indistincte (souvent féminine) parcourt les textes, comme un souvenir qui nous rappellerait que nous ne sommes que parce que nous avons été, et que le présent n'est rien à lui seul - comme le sujet n'est rien sans un autre.
[…]

Arnaud BUCHS
Europe N° 889
Paris, mai 2003, p. 362-364.

A l'épreuve du temps, Patrick Amstutz entre 23 et 29 ans

Jusqu'ici, Patrick Amstutz avait publié quelques-uns de ses poèmes dans diverses revues. Ils composent désormais, avec d'autres, une plaquette publiée aux éditions Empreintes, sous le titre " s'attendre ". Des raisons éditoriales ont retardé la parution de ces poèmes écrits entre 1990 et 1996.
[…]
" Ces poèmes expriment certes de la joie, ils accordent une large place à l'amour et à la découverte de la vie, croquée avec gourmandise.Mais à mes yeux, cette découverte ne prend de sens que si on la replace dans une perspective où la mort est présente. […] Le recueil dessine une trajectoire, du repli narcissique comme première mort, à la main tendue vers l'Autre, comme seule possibilité de renaissance ".

Propos recueillis par Dominique BOSSHARD
L'Express
Neuchâtel, lundi 18 novembre 2002, p. 16.

Poésie sur parole, " Poètes suisses "

" […] s'attendre, c'est un plaquette, mais d'une exceptionnelle intensité. Cette poésie conjugue à la fois le visible et l'invisible, le légendaire et le quotidien, la dimension érotique et la dimension spirituelle. […] Ce livre est placé sous le signe de la métamorphose […]. On passe ici d'un stade marqué par la clôture de soi, par l'enfermement narcissique qui équivaut à une mort, à une étape marquée par l'ouverture à autrui, par le risque de l'autre comme possibilité de renaissance et de dépassement de soi. La présence du féminin est centrale dans ces poèmes qui, parfois, redonnent vie à des figures du mythe, comme Hélène ou Nausicaa. […] La forme du poème chez Patrick Amstutz est finement travaillée comme si le vers devait être à la fois porteur d'une évidence et d'une énigme. "

Jean-Baptiste PARA (avec une lecture de Marc-Henri Boisse)
France-Culture - émission " Poésie sur parole "
28 septembre 2002.

Poésie

[…] Patrick Amstutz a, dès ce premier recueil de poèmes, trouvé l'équilibre. Entre l'hermétisme et l'évidence, entre l'ouverture et le retour sur soi. s'attendre réunit des poèmes écrits entre 1990 et 1996, d'une intensité qui ne faiblit pas et que la forme brève ne rend que plus évidente.
[…]

Eric BULLIARD
La Gruyère N° 102
Bulle, jeudi 5 septembre 2002, p. 14.

Les couleurs denses du temps

" […] Ce recueil n'est que la pointe de ce qui, sous cette forme littéraire et pour mes vingt ans, ne me semblait pas trop indigne d'être porté à la connaissance des lecteurs de poésie. […] Mais écrire, comme lire, aide à pratiquer sa mue (je parlais de peaux mortes tout à l'heure : l'écriture, et la lecture, doit aider à s'en débarrasser). C'est une sorte d'attente active. Et pour trouver une justesse de ton, sans trop d'indulgence avec soi, il importe de redonner à chaque mot sa densité.
Mes poèmes sont souvent courts, d'abord par volonté d'éviter la dilution.
J'aurais aimé, si vous voulez, trouver des formules mémorisables, qui habitent un instant quelques cœurs. Peut-être qu'avec encore davantage de travail arriverai-je à en composer des plus longs qui se tiennent avec une égale densité. "

Propos recueillis par Céline LATSCHA
Le Journal du Jura
Bienne, mardi 13 août 2002, p. 6.

L'Autre et la transmutation

Connu jusqu'à présent pour ses critiques passionnées et sensibles, qui prennent volontiers des chemins de traverses, Patrick Amstutz nous donne, avec s'attendre, son premier recueil de poèmes. […]
A la fois dévotion à l'autre et au temps, la parole poétique est toujours portée par une image aux résonances multiples, qui donne à chaque poème le caractère d'une vision, ou plutôt d'une entrevision, tant Patrick Amstutz aime à surprendre, à désorienter le lecteur : jamais le poème ne s'appesantit, mais virevolte sans cesse, laissant alors au lecteur le soin de saisir ce qui s'échappe.
[…]
L'Autre, c'est ce qui reste lorsque l'on a donné au temps le temps d'accomplir le monde, et ce travail commence bien sûr toujours sur soi-même, par un mystère qui nous révèle nous-même en même temps qu'il révèle l'autre. Dans cette perspective, l'art poétique qui ouvre le recueil trouve finalement une réponse dans le dernier poème, " Thrène pour la fiancée " : " Ose tendre la main / et toucher l'étrangère... " (p. 48), est-il écrit, et si l'Alceste d'Euripide trouve ici un second souffle, la " renaissance " initialement désirée par le poète, dans " Pour mémoire ", a bien eu lieu, le " je " épuré a donné vie et espace au temps. Et par une transmutation dont nous sommes grés à Patrick Amstutz, nous avons ouvert un recueil, et nous refermons à présent un livre.

Arnaud BUCHS
La Revue de Belles-Lettres N° 3-4
Genève, 2002, p. 124-125.

Voix poétique à découvrir

s'attendre, le premier recueil de Patrick Amstutz, […] s'ouvre, après le poème liminaire, sur une séquence de petits poèmes amoureux joyeusement gourmands. Brève, fragmentaire, éclatée, une parole fulgure, saisie comme à l'instant de son émergence, proposant et dynamitant des images à la fois simples et sibyllines, juxtaposant gestes, bribes de propos rapportés, références antiques, enchâssant précieusement un mot rare : fétus légers éparpillés ou séquences plus soutenues communiquent la nostalgie d'un chant, ancien ou à venir, tandis que la dramatisation de certains textes inviterait plutôt à se quitter, à se multiplier, à " se savoir à d'autres vies voué ".

Marion GRAF
Le Temps
Genève, samedi culturel, 29 juin 2002, p. 47.