Fleur Jaeggy
Proleterka, trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro , 136 pages, Collection Du monde entier, Gallimard, 2003

Fleur Jaeggy / Proleterka

Ancré à Venise, le Proleterka attend de conduire en Grèce un groupe de respectables touristes de langue allemande. Parmi eux, un monsieur qui boite légèrement et sa fille qui n'a pas encore seize ans. Le père et la fille sont totalement étrangers l'un à l'autre, même si un lien mystérieux dont l'origine semble remonter à un temps obscur, comme antérieur à leurs vies, existe entre eux. Quinze jours de croisière, c'est le temps dont dispose la jeune fille pour en savoir plus sur ce père si distant, mais aussi pour découvrir en elle cet émoi jusqu'alors inconnu : la vie elle-même.

Ce récit initiatique d'un voyage - qui ressurgit dans la mémoire comme une traversée de la terre des morts et s'imbrique dans un funeste roman de famille - est écrit dans une prose aussi dépouillée que puissante qui confère à Fleur Jaeggy une place unique dans le paysage des lettres italiennes.

Proleterka, trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro , 136 pages, Collection Du monde entier,
Gallimard, 2003

 

Extraits de presse

Voyage à deux

[...]
Il s'agissait là de leur premier et dernier voyage en commun, à bord d'un navire "qui semblait sans gouvernail", la période la plus longue qu'ils aient jamais passée ensemble.

La narratrice connaissait mal un père qu'elle côtoyait seulement pendant une partie des vacances d'été et d'hiver. Elle avoue même n'avoir jamais aperçu ses jambes nues, même surmontées d'un maillot de bain, et ne pas l'avoir jamais vu courir "J'aurais peut-être éprouvé quelque embarras à avoir un père qui court", concède-t-elle.
[...]

Proleterka, trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003

Alexandre Fillon
Livres hebdo
12.09.03

Retrouvailles posthumes

[...]
"La vie a commencé au moment où nous sommes montés à bord. Le début est le Proleterka." Une phrase qui arrive au milieu du récit et qui résume assez bien l'esprit dans lequel sont les deux protagonistes. Un roman funeste d'une intensité absolue.
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Proleterka, trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003

Aurélie Sarrot
Metro
13.11.03

Avec son troisième ouvrage publié en français, Fleur Jaeggy surprendra ceux qui avaient aimé ses nouvelles acérées1, dont la précision chirurgicale, dénuée de toute interprétation psychologisante, donnait aux situations et aux actes des personnages un caractère à la fois étrange et indiscutable, Proleterka semble, au contraire, nourri directement de la matière la plus intime.
[...]

"Johannes, [...] invraisemblablement inconnu de moi. Mon père."? C'est la question que se pose la narratrice dans un exercice de mémoire et de fidélité à la conclusion troublante, où l'émotion ne fait qu'affleurer.

  1 La Peur du Ciel, Editions Gallimard

Proleterka, trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003

Yann Granjon
Page des Libraires
novembre 03

[...]
Ce qui est en jeu, dans ce puzzle rétrospectif, c'est la question toujours en suspens de l'identité : la narration oscille entre première et troisième personne, l'héroïne voyage entre passé et présent et le livre entier se construit autour d'un vide incertain, comme une place laissée libre aux fantômes, une porte bâillant à peine sur le monde des morts. Autant dire que Proleterka est un livre fragile et pourtant tranchant, d'un style particulièrement bien rendu par la traduction française : les éclats épars d'une aventure intime et d'un drame collectif semblent s'emboîter avec peine, mais de cet inconfort naît une grâce spéciale, qui appartient en propre aux "grands petits livres". Proleterka en est un.

Proleterka, trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003

Fabrice Gabriel
Les Inrockuptibles
http://www.lesinrocks.com/
05.11.03

[...]
Durant le voyage, la jeune fille ne s'initie pas à l'amour, mais à son absence. "Proleterka" est le roman de la désaffection et de l'absence des liens.
[...]

Ce pourrait être un livre qui engage la tristesse, mais on est surtout fasciné par la lumière froide qui s'en dégage et par cette fille "qui cherche quelque chose qui n'a pas d'apparence", tandis que l'écrivain donne vie à son monde. Fleur Jaeggy publie peu mais, à chaque fois, c'est un enchantement.

Proleterka, trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003

Anne Diatkine
Elle
http://www.elle.fr
27.10.03

L'hypnose de Fleur

[...]
Ecrire à tout à voir, chez Fleur Jaeggy avec l'hypnose. [...] Sa prose, si l'on ose cet oxymoron, est d'une admirable concision répétitive. Ses phrases vont, viennent et reviennent sur le même motif, comme pour en dégager l'opacité existentielle. Expérience vaine, tragique, superbe, qui relève plus de la poésie que du roman traditionnel. Peu d'écritures, en tout cas, sont aussi nécessaire que la sienne.

Proleterka, trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003

Frédéric Vitoux
Le nouvel Observateur
http://www.nouvelobs.com/
13.10.03

Quand Fleur décape

ROMAN   Dense, nerveux, singulier, "Proleterka" (prix Viaregio 2002) est un magnifique roman de formation féminin. Signé Fleur Jaeggy

[...]
Chemin faisant, blasée d'avance et déniaisée avant l'âge par le désert affectif où elle a grandi, elle n'épargne rien de leur vide prétentieux ou inquiétant aux étrangers, les adultes juxtaposés, qu'elle côtoie. Ni Venise ni la Grèce n'ont droit à un seul mot d'elle. Famille en ruine, nations en ruine, il ne lui reste, hantée par des morts insatisfaits, qu'un "moi" dépourvu d'identité et même de prénom, qui n'existe plus que par et pour ses mémoires. Un roman européen, un poème de mélancolie métaphysique.

Proleterka, trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003

Marc Fumaroli
Le Point
http://www.lepoint.fr
23.10.03

[...]
Les ouvrages de Fleur Jaeggy semblent ainsi tous taillés dans le diamant : brillants purs, durs, tranchants. Proleterka est de cette veine, récit d'apprentissage elliptique, laconique, au fil des pages duquel l'émotion n'est pas bannie mais fermement retenue, au profit d'une distanciation qui donne au roman sa densité dramatique, sa luminosité aussi - lumière froide et étincelante, lumière d'hiver.
[...]

Proleterka, trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003

Nathalie Crum
La Croix
http://www.la-croix.com
23.10.03

[...]
Une "famille de suicidés" "d'aspirants au suicide", raconte la fille de Johannes. Du côté de sa mère, les femmes ont "une inclination, presque une vocation à punir les hommes".
[...]

L'écriture de Fleur Jaeggy dépiaute ces haines et décortique lentement le vide né des absences et des abandons successifs. Ses mots résonnent de l'immense solitude de l'enfant, puis de la jeune femme, Une violence domptée par le travail littéraire parcours le roman, qui se clôt par le plus dissimulé des secrets de famille. Le livre est aussi comme ce clou que la narratrice cache dans la poche du costume de son père juste avant la crémation. "Pendant que Johannes brûle, il lui tient compagnie. Un cadeau de sa fille. On ne fait pas de cadeau aux morts. Quand je sortis de la salle, je savais que j'avais laissé un témoin du feu."

Proleterka, trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003

Judith Rueff
Libération
http://www.liberation.fr
23.10.03

[...]
Le voyage qu'elle décrit ici, voyage avec les morts, avec la mort, est une remontée dans la mémoire, un peu désordonnée, un peu chaotique, un peu incertaine, jusqu'à ce que se découvre le théâtre, lui, éclairé à pleins feux, dans les dernières scènes.

[...]
Fleur Jaeggy aime écrire par aphorismes tout d'abord obscurs qu'elle éclaire page par page, parcimonieusement.
[...]

Et rétrospectivement, le roman tout entier gagne en rigueur et en trouble. Les séquences se réorganisent : la croisière de fantômes, avec les flash-back qui la jalonnent, les portraits, les réminiscences, les morts, les suicides, les meurtres, qui constituent l'effrayant viatique de l'adolescente, la fausse douceur aristocratique de l'enfance sans amour prennent un sens.
[...]

Proleterka, trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003

René de Ceccatty
Le Monde des livres
17.10.03

[…] Proleterka è la storia di un depistaggio. Della narratrice nei confronti del lettore. E ciò avviene a più livelli: con l'intrico dei contenuti narrativi, con i continui e bruschi cambi di voce narrante (dalla prima alla terza persona, per cui la protagonista diventa "la figlia di Johannes"), con gli spostamenti di luogo, con le riflessioni a commento di un evento ma in effetti dislocabili altrove, infine con la dichiarata intenzione di preferire raccontare un'altra storia, quella di Billy Budd, eroe di un racconto di Melville, abbandonato alla nascita e impiccato senza colpa sul pennone di una nave. Accantonata poi l'idea di identificarsi con Billy, la protagonista sposta l'attenzione su Martin Eden, il marinaio del romanzo di Jack London che si scopre scrittore, rifiuta le oppressioni della famiglia e si annulla gettandosi in mare. Ma anche questa tentazione viene subito abbandonata. Nel corso della narrazione si scopre che l'io approda a ben altre identificazioni, meno eroiche, ma più pregnanti sul piano emotivo. […]

Margherita Noseda
Corriere del Ticino
28.5.2002

[…] Di romanzi sulla famiglia e sulla crisi della famiglia, nel secolo appena trascorso, se ne contano, si sa, a centinaia. Ma il piccolo Proleterka è portatore di una novità. Non è un romanzo sulla putrefazione dell'istituto famigliare, sulla sua devastazione e sulla sua corruzione. La famiglia di Johannes e della "figlia di Johannes" non è una tribù dispersa o divisa. Tutt'altro. I membri che la compongono sono tutti uniti, strettamente uniti, ma non dall'affettività famigliare, bensì dal contrario, da un sentimento opposto: una gelida, implacabile disaffezione reciproca, sentita come un imperativo interiore, un dovere preciso e irrecusabile. Di questa gelida disaffezione, simile a una virtù che le è stata inculcata per vie misteriose, è stata fatta partecipe anche colei che scrive. […]

Cesare Garboli
La Repubblica
3.3.2002

Intervista: Fleur Jaeggy a proposito di Proleterka

di Maria Grazia Rabiolo

Fleur Jaeggy, il suo ultimo libro Proleterka è stato molto lodato dalla critica. Il suo modo di scrivere è stato definito algido da taluni, da altri malinconico. Per lei, Fleur Jaeggy, cos'è Proleterka?

Proleterka è il nome di una nave jugoslava; è la storia di una ragazzina e di suo padre. Si conoscono molto poco. Il padre è una persona fredda, distaccata. E la ragazzina si domanda i pensieri del padre dove vanno. Il viaggio di due settimane sulla nave Proleterka le offre l'occasione di conoscere meglio suo padre. Mentre vanno a visitare vari luoghi della Grecia, e lei osserva il padre, c'è qualcosa d'altro che la interessa moltissimo. La protagonista del libro (che non ha nome) scopre la vita. Ma nel libro, avvolta come da ombre, da fantasmi, c'è la storia di una famiglia. Una famiglia la cui vicenda inizia in un luogo in cui si parla tedesco. L'italiano è la mia lingua materna, ma il tedesco è una lingua che mi è molto vicina, essendo nata a Zurigo. Per me, il tedesco è una sorta di lingua dei morti, una lingua che mi segue. Alcuni personaggi del mio libro parlano allora tedesco, in un luogo non nominato, in cui sorgeva la fabbrica di tessuti che ha fatto la fortuna della famiglia in questione.

Questa famiglia, poi, però, conosce il disastro economico, e una serie di malattie, di lutti. E' una famiglia segnata dal destino, raccontata attraverso la vicenda di questa sedicenne che, viaggiando col padre, riscopre proprio il passato familiare.

Sembra che le ombre, gli spettri, avvolgano di nuovo la sua vita, la vita che questa ragazzina incomincia. Potrebbero farla soccombere. Ma lei non soccombe affatto. Continua a vivere. A raccontare le storie della sua famiglia. La storia, ad esempio, del gemello di suo padre, colpito dalla malattia del sonno. E lei ha l'impressione che questo gemello li stia seguendo nel corso del loro viaggio.

E c'è poi anche un fratello della ragazzina…

Sino quasi alla fine del libro, la ragazzina sente la presenza di un altro essere, che forse sta vivendo in vece sua. E nell'ultima parte del libro, nelle ultime pagine, c'è un finale a sorpresa, in cui la protagonista scopre cose che non aveva mai saputo.

… cose che non sapeva e che la fanno crescere. Possiamo dire che questo è un romanzo di iniziazione?

E' assolutamente un romanzo di iniziazione. Mi è molto difficile parlare dei miei libri e non so bene il motivo. Vorrei scusarmi. Mi è sempre molto difficile. Soprattutto quando un libro è appena uscito: fino all'ultimo stavo lavorando ancora sulle bozze…

Il suo stile, Fleur Jaeggy, è assolutamente particolare e personale. Frasi brevi, paratattiche, grande intensità del risultato. Come lavora?

Questo libro l'ho iniziato vari anni fa, in parallelo ad altri testi. Quando finisco di scrivere qualche pagina, poi leggo ad alta voce quello che ho scritto. Se c'è qualcosa che non va, me ne accorgo subito, perché leggo il testo come se fosse stato scritto da un'altra persona. Il ritmo, la musicalità, sono per me importantissimi. E mi accorgo subito, leggendo ad alta voce, se ci sono pause o ritmi che non funzionano. Malgrado questi "esercizi" che compio sul mio testo, sino all'ultimo non sono convinta del risultato. Su questo libro ho continuato a lavorare fino all'ultimo. E non ne ero convinta. Ora però che è uscito dalla mia casa, non ci penso più, non lo guardo più e in un certo senso, quasi non vorrei neppure più saperne.

Maria Grazia Rabiolo
© Rete2 - Radio Svizzera Italiana
http://www.rtsi.ch/prog/Rete2/
28.11.2002