Paolo di Stefano
Baisers à ne pas renouveler, traduit de l'italien par Daniel Colomar,
Editions Metropolis, 192 pages

Paolo di Stefano / Baisers à ne pas renouveler

Je me demande : pourquoi est-elle revenue interrompre ma solitude ? Fouiller dans les tiroirs de la vieille commode, relire, dans les lettres que j'ai conservées jalousement, les années que j'ai vécues en étranger, enfermé dans cet appartement au plafond bas, à attendre. Attendre quoi ? Qu'elle revienne ? Ou bien que moi, je retourne dans mon pays ? Ou bien, plus simplement, attendre que l'attente consume mon temps ?

Quelque part au Tessin, qu'il n'a plus quitté depuis qu'il a pris la route, contre la volonté de sa femme, pour enterrer leur fils unique dans sa Sicile natale, un homme se meurt seul dans un appartement. Entre le village sicilien brûlant de soleil et de lumière, pétrifié dans une vie archaïque, et la bourgade tessinoise, immatérielle sous les neiges hivernales, un homme et une femme, après s'être aimés passionnément, ont vu leur désir s'éteindre sans un mot.

Dans ce roman familial, deux voix se superposent sans jamais se rencontrer : celle de l'immigré sicilien qui recompose sa vie et écoute sa femme dans la chambre voisine, ressurgie après des années d'absence; celle de la femme, toujours discrète, presque inaudible.

A la mort du couple, elle s'est enfuie de son Tessin natal pour se perdre dans une indifférence glacée. Entre ces deux voix s'interposent les lettres lénifiantes et rassurantes qu'en fils dévoué l'homme a écrites au cours des ans à ses parents restés au pays.

Paolo di Stefano est né en 1956 en Sicile, Sa famille a immigré à Lugano en 1963. Il vit en ce moment à Milan ou il est journaliste au Corriere della Sera. Depuis ce premier roman paru aux éditions Feltrinelli de Milan en 1944, il a publié trois autres romans, tous salués par la critique

roman traduit de l'italien par Daniel Colomar

Baisers à ne pas renouveler, Editions Metropolis, 192 page

 

Article de Monique Laederach

Paolo Di Stefano: Baisers à ne pas renouveler

A vrai dire, il est plutôt hasardeux de résumer ce roman, qui avance de page en page selon un jeu contrapuntique subtil où s'interpénètrent les lieux, les personnes évidemment, les temps de jadis et ceux d'aujourd'hui, une réalité vécue d'une part, et dissimulée d'autre part dans des lettres anodines et mensongères écrites aux parents.

Disons que le roman commence à peu près par la fin: un homme meurt, seul dans un appartement, et il interprète le silence (parfois blessé d'un craquement ou d'un passage de lumière) selon sa mémoire. Immigré sicilien en terre tessinoise, le narrateur rappelle son enfance, son voyage en Suisse, la passion partagée avec son épouse, la disparition de celle-ci et son retour ténu; la mort de son fils qu'il est retourné enterrer en Sicile. Et les lettres qu'il a écrites à ses parents, images d'une vie de couple avec enfant toute de banalité: "L'enfant va bien, nous aussi, quand viendrez-vous nous voir?"

C'est, ici, le premier roman de Paolo Di Stefano, Sicilien lui aussi, arrivé - avec ses parents - au Tessin en 1963 à l'âge de 7 ans. *Ces Baisers à ne pas renouveler* ont été suivis par trois autres romans, "tous salués par la critique", précise le prière d'insérer. La forme et ses volutes parfois imperceptibles ont, en effet, quelque chose de très fascinant, en dépit du léger vertige qu'elles nous procurent. Car cette apparente légèreté ne cache pas qu'un quotidien facile à reconstituer, même quand il paraît ordinaire. Ainsi: le père du narrateur est-il une sorte de monstre phallique, ou y a-t-il là transcription de rites conjugaux machistes encore en vigueur dans certaines régions de la péninsule?

Pour nous, lecteurs, l'exubérante liberté exhibitionniste de ce grand-père sicilien peut tout aussi bien être ethnique que posée littérairement en opposition avec le murmure peut-être délirant du narrateur.

Monique Laederach

Paolo Di Stefano, *Baisers à ne pas renouveler*, roman traduit de l'italien par Daniel Colomar, Metropolis collection CH, 184p.

 

Extraits de presse

Les survivants

Dans la troublante fiction Les vivants (Calmann-Lévy, 2000), Pascale Kramer observait une famille survivre à la perte d'un enfant. Comment continuer à respirer après et avec un tel malheur est une question qui sous-tend également le livre du Tessinois Paolo Di Stefano. De manière fort différente, mais pudique et convaincante dans les deux cas, ces auteurs suisses sondent l'âme meurtrie d'êtres qui n'ont pas appris à exprimer leurs émotions.

Deux voix se superposent sans se rencontrer dans Baisers à ne pas renouveler, les deux voix d'un couple, mort suite au décès de son petit garçon, et pourtant indissolublement lié par le malheur: celle d'un immigré Sicilien recomposant son existence dans la chambre où il se meurt, et celle d'une femme, « qui autrefois fut la sienne et qui, un soir, il y a de nombreuses années, partit ». Entre leurs paroles s'intercalent les lettres qu'il n'a pas cessé d'envoyer depuis le Tessin à ses parents autoritaires, restés en Italie et dont il n'a pas su se libérer.

L'écrivain assemble des fragments de vie dans un ordre qui ne doit rien à la chronologie, juxtapose l'avant ? le bonheur avec l'enfant ? et l'après ? la détresse muette sépare les survivants ?, créant ainsi de terribles contrastes. L'apaisement se trouve néanmoins au bout de ce récit familial très prenant, roman de la perte où la mémoire exerce sa tyrannie.

Paolo Di Stefano, Baisers à ne pas renouveler, Metropolis, 188p.

Elisabeth Vust
24Heures
http://www.24heures.ch
30.10.2003, p. 14

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Roman familial de Paolo Di Stefano, "Baisers à ne pas renouveler" superpose deux voix qui jamais ne se rencontrent: celle de cet homme qui recompose sa vie et écoute sa femme dans la chambre voisine; celle de la femme, toujours discrète, presque inaudible.
[...]

Paolo Di Stefano, Baisers à ne pas renouveler, Metropolis, 2003

L'Express
http://www.lexpress.ch
06.10.03

[...]
L'histoire de deux êtres merveilleux qui se sont aimés courageusement au point de s'enfuir pour vivre ensemble. Qu'est-ce qui produit la fatale mésentente qui les laissera inconsolés ?
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Paolo Di Stefano, Baisers à ne pas renouveler, Metropolis, 2003

Cosmopolitan
novembre 03

Des voix croisées dans l'exil

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Le désamour d'un couple, les souvenirs de plaisirs volés, la nostalgie inconsolable, la dérive des êtres dans l'exil glacé, tout cela est ici murmuré, esquissé avec un rare bonheur d'écriture.

Paolo Di Stefano, Baisers à ne pas renouveler, Metropolis, 2003

JS
La Liberté

http://www.laliberte.ch
06.09.03

Le deuil impossible

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Loin de sa Sicile natale, où il est retourné quelques années auparavant enterrer son petit garçon, emporté à 5 ans par une leucémie.

[...]
La mort de Claudio a précipité celle de son couple. Le deuil impossible, mais aussi l'incapacité de communiquer.
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Paolo Di Stefano, Baisers à ne pas renouveler, Metropolis, 2003

Manuela Giroud
Le Nouvelliste
http://www.nouvelliste.ch
14.10.03

[...]
Paolo Di Stefano sait dire à la fois la souffrance de la mémoire, qui tourne en rond autour de quelques maigres souvenirs, et la douleur de l'oubli qui vient gommer les traits du visage et la voix de l'enfant disparu.
[...]

Paolo Di Stefano, Baisers à ne pas renouveler, Metropolis, 2003

Isabelle Martin
Le Temps
http://www.letemps.ch
27.09.03

[...]
Morbide à l'extrême, plein de lacunes volontaires, le roman peut paraître dur. A lire tout de même d'urgence. C'est remarquable.

Paolo Di Stefano, Baisers à ne pas renouveler, Metropolis, 2003

Tribune de Genève
http://www.tdg.ch
29.09.03

Misero padre, né già più padre

"Aspetto la fine senza poter muovere un dito, senza pronunciare un suono". Un uomo morente sdraiato nel letto, i rumori di una palazzina d'intorno: così, come il beckettiano Malone meurt, s'inizia il romanzo d'esordio di Paolo Di Stefano, siracusano trentottenne che ha diretto le pagine culturali del "Corriere del Ticino" dall'86 all'89 e che ora lavora al "Corriere della Sera". Accanto a quel letto siede una donna, una moglie ritornata, che fa frusciare le lettere d'un tempo, apre i cassetti, mormora ricordi. E' un pretesto narrativo per dare spazio ai brani sparsi di una vita sofferta, attraverso le voci di quell'uomo, della donna, attraverso le lettere dei rispettivi genitori, telefonate, suoni, dialoghi. Il tempo dell'attesa della morte si dilata, si gonfia, lascia galleggiare oggetti della mente, sul filo di una serie di percorsi spaziali e temporali che segnano la straziante vicenda esistenziale del moribondo.
Come indicarvela, questa vicenda, senza rompere l'incanto delle linee narrative, che percorrono fughe e ritorni, nel desiderio inesausto di condurre la propria vita nella direzione voluta? Forse partendo dal titolo: "baci da non ripetere", ripreso da un passo dell'ottavo libro delle Metamorfosi di Ovidio. Sono i baci che Dedalo pone sulle guance del figlio Icaro, prima di librarsi in volo con ali di piume e cera, fuggendo da Creta ("Dedit oscula nato / non iterum repetenda suo", vv. 211-12), commovendosi della fragile tenera fanciullezza destinata a spezzarsi.
Così come il padre di Icaro ("pater infelix, nec iam pater") lo vede precipitare perché, incauto, è volato troppo vicino al sole, il protagonista del romanzo di Di Stefano soffre lo strazio della morte del figlio Claudio, fulminato dalla leucemia a soli cinque anni. La malattia, il distacco, la morte, sono resi dall'autore con una verità straziante, attraverso le rievocazioni di questo padre che cerca con minuzia di oggettivare l'assurdità della vita di un bambino che si spezza (i teneri "baci da non ripetere" che anche lui regala alla cuginetta poco prima di terminare la sua esistenza): annota con minuzia i farmaci, conta le mille ottocento cinquantacinque notti in cui ha riposato, rievoca il suoi centodieci centimentri, i suoi ventun chili.
Se questo motivo dominante del libro è quello che più colpisce per l'intensità dei sentimenti espressi, un altro più importante tema percorre le sue pagine, proponendosi inoltre come suggestivo modello strutturale del romanzo. Il tracciato narrativo procede per linee contrapposte, vettori spazio-temporali mossi da impulsi primari dell'esistenza. Il protagonista è un siciliano, trapiantato in Svizzera, dove si è sposato ed è vissuto sulle rive del Ceresio. In lui, come nella moglie ticinese, agisce contemporaneamente la spinta alla fuga dalla terra natale (per la donna dalla claustrofobia di una famiglia bigotta) e il destino implacabile che lo spinge al ritorno alle radici, alla nostalgia degli archetipi della propria esistenza.
A livello di struttura questo emerge dall'alternarsi della voce del protagonista, della moglie, delle lettere ai e dai genitori in Sicilia, da un continuo passaggio anche di oggetti simbolicamente pregni: olio, ceci, peperoncini che prendono la strada del Nord, soldi che dalla Svizzera vanno ad aiutare i genitori, vanno a saldare le fatture di una "casa per il ritorno" che non sarà mai terminata.
Nel ricordo di lui luci, suoni, colori, odori, si fondono e cantano e scuotono e portano ricordi, con una predilezione retorica per la sinestesia: silenzi salati, blu liquidi. L'immaginario della moglie è invece costruito sull'ordine, sugli abiti ben riposti, sul bianco della neve e di un vestito di prima comunione e sul nero dei monti. Contro il desiderio di fuga, di riscatto, di identità propria, questi richiami ancestrali l'hanno sempre vinta, tanto che il protagonista decide, contro il volere della moglie, di portare la salma di Claudio nel loculo di famiglia.
Ed ecco, l'incomunicabilità tra i due squarcia il velo dell'illusione d'aver vinto le rispettive solitudini: per lei i baci da non ripetere sono quelli umidicci dei vecchi del paese scaracchioso, che trasformano il madore senile delle guance del Dedalo ovidiano nei "baci bagnati" dei "parenti ogni anno sempre più vecchi e malati".
La moglie allora fugge, va lontano, vive di fuga, pur cedendo ogni mercoledì al dovere di telefonare alla madre, senza parlare, solamente ascoltando i suoi reiterati rimproveri, il ghiaccio della sua volontà sulla sua vita. Ritornerà soltanto per accostarsi al letto di morte di lui, per caricarlo sulla macchina e portarlo là dove la terra secca e nera lo accoglierà nel suo grembo ineluttabile.
Dopo le assonanze delle fragili voci di bimbi nella sua precedente raccolta poetica, Paolo di Stefano ci regala con questo primo romanzo una sofferta parabola sui destini dell'uomo che, se molto deve letterariamente alla sua sicilianità (si potrebbe fare il nome del Vittorini di Conversazione in Sicilia, ma non solo), riesce a compiere il miracoloso travaso che fa della forma contenuto e del contenuto forma, con una pregnanza narrativa e drammatica che rendono il suo libro appassionante e commovente nel profondo.

Pierre Lepori
© Le Culturactif Suisse