retour à la rubrique
retour page d'accueil


L'invitée du mois
Katharina Trautnitz
responsable de la rédaction romande de l’Oeuvre Suisse des Lectures pour la Jeunesse (OSL)

Télécharger la page en PDF

 

 

Depuis 1931, l'Oeuvre Suisse des Lectures pour la Jeunesse (OSL, Internet : www.osl.ch) publie dans toutes les langues nationales des brochures diffusées dans les écoles. L'objectif premier est d'offrir aux enfants un accès à la littérature, et plus largement à la lecture, y compris ou surtout lorsqu'ils n'y ont que peu accès dans le cadre familial. La formule n'a que peu changé ces dernières décennies, sans doute parce que son efficacité ne se dément pas. Pour autant, l'OSL se montre capable d'innovations importantes, comme l'intégration des langues migratoires dans son programme. Katharina Trautnitz, responsable de la rédaction romande de cette maison d'édition, a répondu à nos questions.

 

  Entretien avec Katharina Trautnitz, par Francesco Biamonte

 

Francesco Biamonte : A la veille de son 80è anniversaire, l'OSL édite de la littérature en allemand, italien, français, dans les cinq idiomes du romanche et en anglais. Il s'agit je pense d'un cas unique dans l'édition suisse? 

Le Roi des orphelins de Blaise CendrarsKatharina Trautnitz : …et le romanche standardisé, appelé « rumantsch grischun » complète votre liste. Effectivement, l'OSL est la seule maison d'édition suisse qui offre un tel échange entre les langues. Un des objectifs principaux de la fondation OSL est de soutenir la diversité linguistique. Cela commence avec le catalogue en quatre langues que chaque élève en Suisse reçoit gratuitement. En le feuilletant, les enfants découvrent qu'ils vivent dans un pays qui possède une grande diversité de langues.
Grâce aux traductions, ils ont la possibilité de connaître des auteurs importants des quatre régions linguistiques ainsi que des auteurs internationaux. Citons deux exemples parmi les nouveautés 2010. L'histoire The Cat and the Devil de James Joyce a été publiée dans la langue originale, l'anglais, et dans les quatre langues nationales. La nouvelle  Le Roi des orphelins  de Blaise Cendrars a paru non seulement en français, mais aussi en allemand et en idiome romanche. Auparavant, ni un texte de Joyce, ni une œuvre de Cendrars n'avaient été traduits en romanche.
Faire connaître des auteurs et illustrateurs romands dans les autres régions linguistiques à travers des traductions constitue une priorité de l'OSL. Parmi les auteurs contemporains publiés ces dernières années, on trouve le dessinateur Nicolas Robel qui a réalisé en 2007 la bande dessinée Crocos, parue en français et en allemand, ainsi que les Genevois Albertine et Germano Zullo. Leur histoire Paquita a été publiée en trois langues.

Vos brochures récentes portent des numéros de catalogue entre 2200 et 2400. Est-ce à dire qu'en 80 ans, l'OSL a publié autant de titres ?

Oui. Le numéro un a paru en 1931 et nous en sommes actuellement au numéro 2374. Avec la parution des 32 nouveautés de l'été prochain on aura franchi la barre de 2400 titres.

Est-il possible de décrire en quelques lignes le fonctionnement d'une telle structure (notamment ses liens institutionnels) et son volume (en termes de titres disponibles, mais aussi de personnel et de budget par exemple ?

Depuis 1957, l'OSL est une fondation. Dès le début, son activité a été soutenue par les directeurs cantonaux de l'instruction publique, les communes et la Confédération ainsi que par des fondations et des institutions privées. Des informations relatives au budget sont accessibles à chacun sur notre page Internet : www.osl.ch
Une des grandes particularités de l'OSL est son mode de distribution unique : les brochures se vendent principalement dans les écoles suisses au prix coûtant. Environ 200 responsables de distribution, pour la plupart des enseignantes et enseignants, assurent le contact direct avec les établissements scolaires. Par ce biais, chaque école primaire reçoit gratuitement la boîte-présentoir de l'OSL contenant toutes les brochures disponibles.
Ensuite ce sont les enseignants qui exposent les brochures dans les écoles. Les enfants ont ainsi la possibilité de feuilleter les brochures et de faire leurs commandes à l'aide du catalogue fourni gratuitement à chacun d'eux. Pour les écoliers, c'est souvent la première fois qu'ils peuvent choisir eux-mêmes leur lecture et effectuer leur premier achat d'un livre.
L'OSL sort quelque 30 nouveautés par année. Actuellement environ 400 titres sont disponibles.
Le siège principal de la rédaction se trouve à Zurich. Margrit Schmid y dirige les Editions OSL depuis 2006. Il y a aussi une rédaction au Tessin et, depuis 2007, une autre à Genève, dont je suis responsable. Cela facilite le contact avec les auteurs et les illustrateurs sur place.

Votre catalogue comporte à la fois des noms d'auteurs peu connus et des géants de la littérature mondiale – comme Joyce ou Cendrars par exemple, que vous citiez à l'instant. Comment l'OSL identifie-t-elle les textes qu'elle souhaite éditer – en termes de thématique, d'auteurs, de style? Comment prospectez-vous? S'agit-il souvent de textes commandés directement par l'OSL à des auteurs, de propositions spontanées des auteurs ?

Le Chat et le Diable de James JoyceLa boîte-présentoir de l'OSL envoyée aux écoles contient tous les titres disponibles et on y trouve une grande diversité de lectures afin de toucher tous les élèves avec leurs intérêts et origines socioculturelles différents. Une bande dessinée de Nicolas Robel se trouve côte à côte avec  Le Chat et le Diable de James Joyce ou encore avec la brochure Football : règles, conseils et astuces .
C'est ensuite aux enfants de faire leur choix. Plus tard, ils pourront dire : à sept ans, j'ai lu du Joyce !
Depuis ses débuts, l'OSL offre aux jeunes auteurs et illustrateurs la possibilité de réaliser une première publication. L'OSL sert ainsi de tremplin pour de jeunes artistes.
En outre, l'édition propose régulièrement des textes d'auteurs déjà reconnus comme Daniel de Roulet, Michel Tournier, etc.
En général, c'est l'OSL qui contacte les auteurs et illustrateurs. Nous collaborons aussi avec le département de l'illustration de la Hochschule Luzern – Design & Kunst.
Parmi les projets possibles, les rédactions régionales de la Suisse alémanique, du Tessin et de la Suisse romande ainsi que la rédaction pour le romanche soumettent des propositions au siège principal à Zurich. En accord avec les rédactions, la directrice sélectionne 25 à 35 titres. Ceux-ci sont proposés au Comité directeur et un choix définitif est fait.

Certains textes sont disponibles en une seule langue, d'autres dans toutes les langues nationales et l'anglais. Comment décidez-vous quels textes doivent être traduits dans les différentes langues?

L'OSL décide individuellement pour chaque brochure. Si, au sens d'un échange culturel, un texte peut être intéressant pour les enfants des autres régions linguistiques, nous essayons de réaliser une traduction. Cela dépend bien sûr aussi de nos moyens.
C'est une grande chance et une exclusivité de l'OSL d'avoir la possibilité de publier des textes importants dans plusieurs langues et de les présenter à tous les élèves de Suisse.

Ilma Rakusa  - Alma et la mer S'agit-il parfois de textes pour adultes adaptés pour les enfants? Si oui, quels principes président à l'adaptation, et à qui un travail si délicat est-il confié?

Oui, certains textes pour adultes ont été publiés chez nous dans une adaptation pour enfants. Ce sont les auteurs qui se chargent eux-mêmes de l'adaptation de leur œuvre. La brochure Nina de l'écrivaine Eleonore Frey (2008) en est un exemple.
Parfois, des liens entre les différentes œuvres d'un auteur se créent tout seuls.
La Zurichoise Ilma Rakusa a écrit un nouveau texte pour l'OSL : Alma et la mer (2010). Selon elle, il s'agit en quelque sorte de la version pour enfants de son roman  Mehr Meer  (« Davantage de mer ») pour lequel elle a reçu le Prix suisse du livre en 2009.

On sait que la question des lectures destinées aux enfants peut soulever des passions: on dit souvent que l'on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments; et dans le même temps, on attend souvent des livres pour la jeunesse une posture morale convenable, et un respect de la protection morale due aux enfants. Certaines lectures scolaires ont pu susciter de vives polémiques, lorsque certains parents d'élèves en contestent la pertinence et la décence. Comment l'OSL se positionne-t-elle dans ce genre de débat? Jusqu'où faut-il de l'audace, à partir d'où la prudence s'impose-t-elle? Quelle est la responsabilité spécifique de l'éditeur, et quelle responsabilité revient-elle au contraire aux parents et à l'institution scolaire?

Effectivement, ces questions des textes trop violents ou trop explicites dans des thématiques sexuelles, religieuses, etc. se posent régulièrement à nos Editions.
Prenons l'exemple de la brochure Oui à l'amour. Non au sida. très demandée par les jeunes, mais qui a suscité de nombreuses réactions de différents côtés.
Pour certains sujets d'actualité des informations essentielles et un certain langage, habituel chez les jeunes, s'imposent et rencontrent parfois le refus des adultes.
Néanmoins, si ces informations ou ces textes sont importants, l'édition opte pour les publier. Suite à la grande demande, la brochure Oui à l'amour. Non au sida. a été éditée récemment dans une nouvelle version actualisée sans tenir compte des objections restrictives. Evidemment, il y a des limites, comme pour toute autre édition, que nous ne dépassons pas. La principale porte sur le fait de ne pas blesser l'intégrité d'autrui.

Dans le même sens: votre catalogue donne un âge indicatif à partir duquel telle brochure est recommandée. Suivez-vous pour ces recommandation le bon sens et l'expérience, ou existe-t-il des critères précis – et dans ce dernier cas quels sont-ils? 

En ce qui concerne ces indications, nous décidons souvent de manière intuitive.
L'OSL a comme objectif de présenter des textes pour les différentes tranches d'âge en tenant compte des différents niveaux de formation ainsi que des régions linguistiques.
Les enfants ont toujours le libre choix et peuvent se décider pour une lecture hors de leur tranche d'âge. Ce ne sont ni les parents ni les grands-parents qui décident, mais c'est l'enfant qui choisit entre les 400 titres disponibles.

L'OSL a choisi un support presque exclusif, la brochure, qui présente d'évidents avantages économiques, de facilité de transport et d'envoi, mais qui rend peut-être aussi leur présence difficile dans les bibliothèques - scolaires notamment? 

Les bibliothèques scolaires accueillent régulièrement et très souvent nos brochures. Dans ce cadre, elles sont souvent destinées à la lecture en classe. En général, les bibliothèques scolaires achètent une série de brochures pour l'ensemble d'une classe (20-25 exemplaires) et elles possèdent des dispositifs pour les mettre à la disposition des enseignants.

L'OSL propose également un programme interculturel, avec des suppléments sur CD-Rom dans les principales langues de migration. Comment est né ce programme, quelles sont ses orientations, et quel succès ou difficultés rencontre-t-il? 

Notre offre interculturelle est issue de la nécessité d'intégrer des enfants d'origine étrangère et elle jouit d'un beau succès. Nous prévoyons un projet comparable avec trois nouveaux titres traduits dans les principales langues de migration. Toutes les versions linguistiques (environ 18 à 22) seront disponibles sur CD-Rom et pourront être imprimées, comme c'est déjà le cas pour le projet actuel.

Propos recueillis par Francesco Biamonte


Pour rencontrer les Editions OSL, il est à noter qu'elles présenteront leur dernière publication, de nature scientifique celle-là, au Musée d'Histoire des Sciences de Genève le 24 novembre à 18h – une brochure sur les planètes extrasolaires par Didier Queloz.
En savoir plus (PDF)

 

Page créée le 14.10.10
Dernière mise à jour le 14.10.10

© «Le Culturactif Suisse» - «Le Service de Presse Suisse»