Berlin, tout près de l'été,
le 18 Juin 2003.
Qu'est-ce que cela signifie que de
recevoir une des peut-être plus importantes bourses
à la création du monde?
FS cent mille, sacré paquet!
Un salaire à l'avance le plus irréel qui soit,
le travail à venir, rencontre pour en causer avec le
Secrétaire un matin de juillet chez Mojonnier à
Chailly-en-Lausanne, Suisse, qui résume en image la
chose, genre "vous nous aviez dit que si vous aviez de
l'argent vous monteriez l'Everest sur les mains, alors voilà".
Au lendemain du champagne bu, l'angoisse
totale, l'attente au tournant de soi-même, plus d'excuse
à l'écriture absente, tout le temps, au contraire
et par quoi commencer, alors qu'il s'agit de partir en voyage
et d'en dire quelque chose?
Les étapes parcourues, vitesse
de passage, quelques lettres qui commencent à les épeler
(http://www.fems.ch),
des notes manuscrites (documentation prévue: septembre
2003) ou machiniques (cf. "Putain la vache!" et
"Ça c'est vraiment incroyable" dans les Inédits
de juillet-août de ce site), work in progress, poursuite
de l'exploration d'une géographie spiralique des mots
engagée dans les "Aires de repos sur l'autoroute
de l'information" (2001, Bernard Campiche Editeur), courage
retrouvé en lisant Allen Ginsberg, "le langage
comme matériau de base" & "l'inexprimable
par la technique ancienne du récit humaniste".
Tourbillon des lectures, évidemment,
appels aux Anciens, Montaigne à Rome, Rousseau botanisant,
Châteaubriand à Jérusalem et Constantinople,
Nerval au Caire, Gautier en Suisse, Stendhal magistral, Baudelaire
haïssant les journaux, Baudelaire écrivant:
Amer savoir, celui qu'on tire du
voyage!
Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image:
Une oasis d'horreur, dans un désert d'ennui!
Penser à Balbec entre Honfleur
et Fécamp sans trop savoir mais ne sortir de la voiture
qu'après Colleville-sur-Mer pour aller marcher sur
Omaha Beach, Ginsberg en Inde, Giono en Italie, Bouvier en
obsession, Maillard et ses "Oasis interdites", Rolf
Dieter Brinkmann passant le Gotthard, Melville faisant le
tour du monde, Miller se souvenant de Paris, les Géos
et autres National Geographics, Lévi-Strauss haïssant
les voyages, Ringelblum chroniquant le ghetto de Varsovie,
Levi voyageant vers Auschwitz, Benjamin à San Gimignano,
Traven sur le vaisseau des morts, Faulkner dans le Sud nord-américain,
Krüger émigrant aux États-unis, Augé
dans ses "non-lieux", Davis à Los Angeles,
Koolhaas à New-York, Corboz à Genève,
Rivaz "parcourant l'exposition de tissus dans le monde",
Ramuz à Lausanne.
Dix mois de bougeotte, le temps du
voyage pensé d'abord comme temps de solitude à
l'écriture qui s'avère en fait tout dévorer
ou presque en découvertes & rencontres et les mots
qui mettent plus de temps que prévu pour remonter à
la surface de l'avalanche, apprentissage du déroulement,
mise au tiroir d'autres projets avant de revenir à
un réel moins privilégié, vertiges dans
les agences de voyage au-dessus de la carte du monde, ici
et ici et là et qu'est-ce que tu es allé foutre
là-bas?
Idée d'aller dire bonjour, jusqu'ici
à Laure à Rome, à Caro à Istanbul,
à Ueli et Thorsten à Tel-Aviv, à la surprise
au Caire, à Thomas à Paris, à Marco à
Genève, à Laurent à New-York, à
Fabrizzio à Houston, à Francesca à Los
Angeles, à Mark à Santa Barbara, à Wojtek
à Varsovie. Pour voir. Train bus avion voiture bateau
vélo pedibus gambus,
promenades et Japon à venir, Jürgen à Iwaki
et Etsuko à Kiri Hama, en essayant cette fois de partir
qu'avec deux livres et sans matériel à revoir,
s'alléger au maximum et reprendre l'inscription du
minuscule bouleversant dans une écriture fourmilière.
(Et puis, je disais littérature,
et il y a toutes celles que l'on glane au passage, conseils
absolument enthousiastes & exaltés! ou trouvailles
sur des étagères que l'on se promet de lire
bientôt dès que, Chatwin, Monod, Johnson, Byron,
Kerouac, Manson Amrouch, Ostende, Shute, De Lillo, Thompson,
Kroeber, Ogai, Kennedy, Heppenheimer, Simenon, Emmet, etc.
and so on usw. l'avalanche aussi ainsi, illimitée tradition
de la littérature de voyage, du récit de la
vie allant tout bonnement.)
L'usage du monde en Visa Silver Card,
achat d'un Olympus automatique de poche, re-découverte
du temps de la production, grande chance de l'apprentissage
de tous les instants, confiance faite à un escargot,
amulettes de toutes sortes, souvenir d'un scribe accroupi
vu au musée du Louvre, être loin des enfants
ou les prendre avec soi, retrouver chaque fois Berlin comme
étape de base, deux rues plus loin être déjà
écarquillés, téléphoner à
son banquier Suisse depuis la Californie, le rêve d'un
Vaudois, de Dieu de Dieu!
Aujourd'hui pensé encore au
"système texte" et à son support,
le sentiment que tout s'articule à partir de là.
Forme à venir des "Oasis de transit", il
faut revenir de sa surprise, combien de fois ne me suis pas
soudain demandé loin de moi qu'est-ce que je faisais
tout à coup là?
Pour l'instant mis Montaigne en exergue,
"Je sais bien ce que je fuis, mais non pas ce que je
cherche" et collé tout à l'heure dans mon
carnet de notes un sous-titre dans "Le Monde", "Les
premiers résultats du satellite WMAP pourraient remettre
en question le modèle standard d'un cosmos infini.
Les astrophysiciens <dissidents> se fondent sur ces
éléments pour conforter leur théorie
d'une topologie finie dans laquelle un voyageur revient à
son point de départ."
Retrouvez deux textes d'Yves Rosset
dans les Inédits de juillet-août du Culturactif
Suisse en cliquant ici.
Pour plus d'infomations sur Yves
Rosset et son projet, et pour lire ses lettres écrites
en voyage, visitez les pages qui lui sont consacrées
sur le site de la Fondation Edouard et Maurice Sandoz en cliquant
ici.
Page créée le 23.06.03
Dernière mise à jour le 23.06.03
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