Anne Lavanchy - Nicolas Couchepin : Ateliers d'écriture

Ateliers d’écriture au bord du lac de Morat

Organiser des ateliers d’écriture est un vieux rêve. Se retrouver autour de textes littéraires, réfléchir à la manière dont on accède à l’énergie créatrice qu’on porte en soi, partager un moment avec des gens venus de tous horizons, telles étaient les motivations qui nous animaient. Nous avons trouvé un cadre hors du temps pour réunir, l’espace d’un week-end, des gens désireux de se retrouver pour écrire et partager cette expérience.

 

L’atelier

Ces ateliers d’écriture sont organisés depuis un an déjà à raison de trois week-ends par saison dans le cadre d’une maison familiale du 18e siècle au bord du lac de Morat. Un cadre qui favorise ce double mouvement du retour sur soi et de la découverte si favorable à l’écriture. L’atelier que nous proposons se veut une plongée dans l’écriture permettant à chaque participant de découvrir sa capacité créatrice en se familiarisant avec son espace intérieur. L’idée est de comprendre les mécanismes de l’imaginaire, puis d’en tirer parti.

Ces ateliers se veulent grand public et s’adressent à toute personne désireuse de tenter l’expérience d’écriture indépendamment de sa maîtrise de la langue française. En effet, nous avons remarqué que les personnes qui ne sont pas francophones trouvent d’autres moyens pour s’exprimer, notamment par le biais d’images poétiques.

Mettre en jeu sa mémoire, son imagination, ses perceptions, prendre le temps d’ordonner ce qui nous habite pour y donner une forme tel est le but de cet atelier. Nous prenons appui sur des textes littéraires pour illustrer des notions de point de vue, de monologue intérieur, de rythme et de style, par exemple. Ce qui n’empêche pas les textes produits en atelier de véhiculer des émotions fortes qui permettent à chacun de mieux se connaître.

Le déroulement concret de l’atelier consiste en alternances de moments d’écriture et de moments de lecture en groupe. Ces lectures sont un retour sur des textes écrits en solitaire, un partage qui va permettre de voir le texte que l’on a écrit sous un autre angle, de dédramatiser le rapport que l’on peut avoir avec son écriture.

 

Les animateurs

Anne Lavanchy, longtemps lectrice aux Editions Zoé, a également traduit une dizaine de romans d’allemand en français. Elle a publié un livre sous le pseudonyme d’Anne Brécart Les Années de verre. Elle a suivi des ateliers d’écriture animés par Mary Anna Barbey

Nicolas Couchepin possède une formation dans le domaine social. Il a écrit deux romans, Grefferic et Le Sel qui a obtenu le Prix des Auditeurs en 2001.

 

Renseignements

Pour tous renseignements :

Tél : 022 347 82 05 ou 079/366 59 78
E-mail : anne.lavanchy@swissonline.ch
ou lautrejardin@bluewin.ch

 

Monologue intérieur / Xavier Allemann

Voici un texte produit lors d’un atelier qui a eu lieu en automne 2001

Monologue intérieur

Les forsythias, ce printemps, ils me sortent par les oreilles. Ils m’écoeurent. C’est quoi ? C’est trop jaune, trop dense ? Ils manquent de transparence. Depuis un temps, je pense

un jardin, ce n’est jamais parfait, c’est douloureux… Pas trop mouillée, la terre. Elle s’effrite bien maintenant. C’est plus facile aujourd’hui que l’année passée. Dire qu’on a signé le contrat de location pour trois ans en ayant vu la maison dans le brouillard. C’est bête. C’était juste. J’ai déjà entendu les alouettes cette année ?

Je vais avancer de combien ?

Pourquoi un jour on s’entend dire « Je n’ai envie de plus rien » ? Et puis encore, j’ai entendu « Il n’y a que moi qui attend ». Je suis alors une brute. Je suis un forsythia.

Mince, un caillou. Je dois prendre ma bêche sous un autre angle. Cette journée aussi, j’aimerais bien la prendre autrement. Les bons sauvages qui courent après les Maures sur les tapisseries, leurs arcs bandés, les flèches qui sont des fleurs. Les Maures avaient bien peur.

Pourquoi tout vous échappe, d’un coup ? Echappe ? J’étais propriétaire de quelque chose. Garant. Je suis garant de quoi ? Cette pierre ! Attends, plus à gauche. Je fatigue. J’ai envie de crier. Un cri que personne n’entend, c’est exactement comme cela. Je vais me détendre. Les mains dans la terre, c’est comme les dames du studio Palmolive. Le jardin m’échappe, il pourrait basculer. J’aimerais un ensemble parfait. Je ne vois que de petits éclairs. Et nous ? Heureusement, le violon pincé, vif, du trio de Brahms, quand je descends te voir en voiture. Encore trois sillons. La terre me file distraitement. Elle est déjà chaude. J’ai chaud, mais j’ai froid. Ce sont ceux qui ont la camisole hors du pantalon qui auront des problèmes de reins. Ma camisole a dû se liquéfier dans le jardin. C’est vrai qu’elle est mouillée. Je m’en veux, alors. Je m’en veux de quoi ? Je n’ai pas les mots pour savoir de quoi je m’en veux. C’est un peu facile je crois de penser qu’on ne trouve pas les mots. Ce n’est pas une question de mots. Ce n’est pas une forme non plus. Je déteste les gens qui ont un regard mièvre sur les plantes, les plantes c’est joli. Ils ne comprennent rien. Pourquoi Caïn ne brûlait que ses légumes les plus laids ? Que des vieux trognons. C’est pour ça que tu ne m’entends pas ? Quand je sème, quand je repique, je m’arrête, j’attends. Je sais attendre jusqu’à ce que les salades pomment. Et je ne sais pas t’attendre, t’attendre ou t’entendre.

Je m’arrête. Il ne me reste plus q’un sillon. J’ai étalé mes outils tout autour de moi. Il ne faudra pas oublier de tous les rassembler. Le persil repart. C’est un peu timide.

© Xavier Allemann