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L'invité du mois

  Présentation

 

Docteur en philosophie médiévale, François-Xavier Putallaz est chargé de cours à l’Université de Fribourg et professeur de philosophie à Sion (CH). Il a enseigné comme professeur invité à l’Université de Genève et à l’École Pratique des Hautes Etudes (Paris-Sorbonne), après avoir travaillé à un projet de l’Alexander von Humboldt-Stiftung en Allemagne et au Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique.

 

  Bibliographie

 

À côté de plusieurs traductions et d’une vingtaine d’études spécialisées, Monsieur François-Xavier Putallaz a publié de nombreux livres dont nous relevons ici quelques titres:

  • Le sens de la réflexion chez Thomas d'Aquin, Paris, Vrin 1991.

  • La connaissance de soi au XIIIe siècle. De Matthieu d'Aquasparta à Thierry de Freiberg, Paris, Vrin 1991.

  • Insolente liberté. Controverses et condamnations au XIIIe siècle, Paris-Fribourg. Cerf-Éditions Universitaires 1995.

  • Figures franciscaines. De Bonaventure à Duns Scot, Paris, Cerf 1997 (trad. it. : Figure francescane. Alla fine del XIII secolo, Milan, Jaca Book 1996).

  • (avec Ruedi Imbach) Profession : philosophe. Siger de Brabant, Paris, Cerf 1997. (trad. it. Professione filosofo : Sigieri di Brabante e la teologia, Milan 1998 (sous presse).

  • Un récit destiné au grand public est annoncé à Paris pour 1998 : Le dernier voyage de Thomas d’Aquin

 

  Rencontres avec la pensée médiévale

 

Un événement culturel d’importance vient de se produire à Paris : en créant la première chaire d’Histoire de la philosophie médiévale en France, la Sorbonne et l’Université française renouent avec le médiévisme philosophique après un siècle de divorce.

En 1879 en effet, la promulgation de l’Encyclique Aeterni Patris, qui promouvait l’enseignement de la philosophie chrétienne selon l’esprit de saint Thomas d’Aquin, eut de nombreux effets positifs, dont une indéniable impulsion à l’étude de la philosophie médiévale. Mais il y eut aussi des effets indésirables : non seulement saint Thomas a détrôné la plupart des théologiens et philosophes médiévaux, mais les intellectuels n’ont rien trouvé qui pût les inciter à s’intéresser à cette période. Le public cultivé est ainsi resté prisonnier d’une image éculée, celle d’un âge obscur, théâtre d’une " effroyable aventure " (Renan), d’une " interruption de mille ans dans l’histoire de la civilisation ", où la philosophie a été l’une " des plus grandes plaies de l’esprit humain " (Diderot).

Mais qu’est-ce qui a changé en cent ans ?

1. Il y eut un premier processus constitué par la prise de conscience que la philosophie médiévale n’est pas réductible à Thomas d’Aquin et, plus radicalement, qu’elle ne peut s’interpréter seulement à partir du thomisme et de la philosophie chrétienne. Depuis plusieurs années, on a pris en compte le rôle fondamental de la pensée arabe et juive, on s’est intéressé à la philosophie des laïcs (comme Dante) et, après un certain engouement à exhumer les agitateurs insoumis ou condamnés (tel Maître Eckhart), on a fait place à la ‘diversité rebelle’ et irréductible de l’immense Moyen Âge. (1)
En conséquence, les médiévistes ont appris une chose depuis vingt ans : c’est que si l’on veut comprendre Jean Duns Scot ou Guillaume d’Ockham (alias Guillaume de Baskerville dans le Nom de la rose), c’est surtout Bonaventure qu’il faut lire, Pierre de Jean Olivi ou Henri de Gand. Mais qui les connaît dans le grand public ?

2. Un second processus a modifié la lecture de l’œuvre de saint Thomas lui-même.

Voilà des années que l’on met en garde contre " la tentation de définir l’essence du thomisme par des formules indépendantes des œuvres et contingences où elle s’est exprimée " (M.-D. Chenu). C’est ainsi que s’est fait sentir le besoin de rejoindre l’humus nourricier de cette grande synthèse doctrinale. Nous voilà renvoyés à l’atelier de frère Thomas, mieux à même de comprendre l’œuvre en son milieu. Ce fut l’apport inestimable de la Commission Léonine, chargée de l’édition des œuvres de saint Thomas : elle a rendu cette pensée plus authentiquement accessible, permis de suivre pas à pas la genèse de la doctrine, montré avec précision ce que fut l’apport du dominicain à la science de son temps. (2)

Les nouvelles méthodes historiques n’imposent pas pour autant de tomber dans l’historicisme, comme si la vérité était définie par la conformité d’une thèse aux exigences du milieu qui l’a vue naître, mais elles retiennent de transposer indûment une solution lue chez un auteur médiéval à des problèmes qui, propres au XXe siècle, sont d’un autre temps.
L’étude de la pensée médiévale nous apprend ainsi à maintenir le Moyen Âge à distance, et saint Thomas avec lui.

Et c’est, paradoxalement, ce qui en explique l’actualité : en redécouvrant cette pensée méconnue, le lecteur contemporain est transporté dans un autre monde. Il n’y trouvera pas de réponses toutes faites aux lancinants problèmes d’aujourd’hui, mais il sera entraîné à une réflexion critique. Le résultat ? Une manière originale de comprendre notre monde et une chance de trouver des réponses qui soient un véritable progrès vers la culture et l’universel.

François-Xavier PUTALLAZ
Université de Fribourg (CH)

 

1. Cf. Kurt FLASCH, Introduction à la philosophie médiévale, Paris-Fribourg 1992.
2. Cf. Jean-Pierre TORRELL, Initiation à saint Thomas d’Aquin. Sa personne et son œuvre, Paris-Fribourg 1993. Jean-Pierre TORRELL, Saint Thomas d’Aquin, maître spirituel, Initiation 2, Paris-Fribourg 1996.

 

Page créée le 09.10.01
Dernière mise à jour le 09.10.01

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