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L'invitée du mois
Sylviane Friederich
libraire et directrice de la collection Littérature chez Infolio

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Déjà reconnues dans le domaine de l'histoire, l'architecture, la photographie et l'histoire, les Editions Infolio s'ouvre à un art de plus en confiant la collection Littérature à Sylviane Friederich, qui célèbre par ailleurs cette année les trente ans de sa librairie à Morges, La Librairie . Active sur (presque) tous les fronts du champ littéraire, cette femme engagée est aussi présidente de l'Association des diffuseurs, éditeurs et libraires (ASDEL) et apparaît occasionnellement dans la rubrique littéraire du Temps. Elle était par ailleurs jusqu'à peu une des correspondantes romandes de l'émission La Librairie francophone organisée en partenariat par quatre radios francophones, dont la Radio Suisse Romande.

Nicolas Couchepin : La Théorie du Papillon

Quatre auteurs inaugurent la collection Littérature  : Jacques-Pierre Amée pose un regard très personnel sur notre monde à travers la rencontre entre un homme réfugié dans un hameau de montagne et une petite fille curieuse ( Le Butor étoilé ) ; Nicolas Couchepin écrit une quête des origines ouvrant sur des univers sensibles et fantasques ( La théorie du papillon ) ; Jean-Jacques Langendorf fait dans le thriller avec pour héros un espion au service du Kaiser ( Zanzibar 14 ) ; Noël Ndjékéry confronte l'amour à un Tchad déchiré par la guerre ( Chroniques tchadiennes ).
Avant l'immersion dans ces récits, on remarque leur présentation très réussie, avec leur jaquette de papier fin, aux illustrations reflétant le texte.

 

  Entretien avec Sylviane Friederich (par Elisabeth Vust)

 

En regard de toutes vos activités, on se dit que le livre est une passion dévorante, quasi sacerdotale pour vous ?

C'est vrai. Je ne sais rien faire d'autre ; et j'ai un gros défaut : je ne sais pas dire non. Mis à part cela, une chose en entraîne une autre. Chaque front littéraire est interactif, j'ai un métier sans frontières ni limites. Ainsi quand Frédéric Rossi, directeur de Infolio , m'a dit son envie que je dirige une collection littéraire chez lui, après m'être demandé « est-ce bien raisonnable ? », je me suis dit que c'était une chance extraordinaire de pouvoir participer en amont à la naissance d'un livre.

Participer à son contenu et son contenant, très réussi…

On s'est donné carte blanche pour que la collection ait de la gueule. On a collaboré avec une graphiste de talent, Flavia Cocchi, qui a eu l'idée de travailler avec du papier qui a sa fragilité, sa transparence. Chaque jaquette aura son identité, avec une illustration calquée sur l'esprit du livre. La ligne graphique de la couverture sera constante.

Quel est le contexte économique de cette collection ?

Les quatre premiers titres ont été édités sans subventions, qui n'ont pas été demandées. Il ne fallait surtout pas que la parution dépende de celles-ci. Infolio s'est lancé dans l'aventure sans trop se soucier de l'aspect économique, ce qui est formidable. Mais peut-être qu'à un moment donné on va demander des subventions, Infolio ayant les mêmes contingences économiques que tout éditeur.

Comment s'est fait le choix des quatre premiers titres ?

Par mon « réseau », ce qui ne sera pas forcément le cas des prochaines parutions. Dans mes choix, je bénéficie des conseils de Denis Bertholet, directeur de la collection Illico chez Infolio, qui a travaillé aux editions Georg et est le biographe de Lévi-Strauss, Valéry, Sartre.
Le tirage est de 2000 exemplaires pour chaque titre, ce qui nous a aussi permis de faire un bon service de presse. Nous publierons environ quatre romans par année, et la collection sera ponctuée d'essais, le premier autour de Romain Gary.
Tous les livres seront traités et mis en valeur de la même façon, et seront bien visibles en France aussi, Infolio étant distribué par Volumen (maison de diffusion du Seuil). J'ai aussi été voir représentants et libraires à Paris.

Il faut par ailleurs souligner que nous ne sommes pas une collection d'auteurs romands, mais une collection de langue française. Dans un second temps, nous pourrions nous ouvrir à la traduction. J'ai toujours été curieuse d'une « littérature-monde ».

Cette ouverture sur l'extérieur se sent dans les textes retenus...

Oui, ce n'est pas un hasard que parmi les premiers auteurs il y ait un Africain et un auteur situant son texte à Zanzibar. Et ce n'est pas non plus un hasard si les deux autres textes sont empreints de merveilleux ou de fantasque. J'apprécie les écritures sans limites, qui ne se borne pas à la description du quotidien par exemple, ou d'une seule réalité. Des écritures personnelles, loin d'un « pour plaire », d'un moule, des ateliers d'écriture.

Est-ce que les textes ont été retravaillés avant publication ?

Oui, j'ai consacré beaucoup d'attention à l'incipit, aux entrées de chapitre, et aux fins. Si je le sentais nécessaire, j'ai demandé aux auteurs de les accélérer, les rende plus accrocheuses ; aussi d'opérer des ruptures, de faciliter les transitions ou de donner de la respiration dans le crescendo. Sans pour autant intervenir sur le langage propre de l'auteur.

S'il est trop tôt pour tirer un bilan de la collection, peut-on faire celui du lancement de celle-ci ?

Même si cela me gêne que les choses tournent trop autour de moi, c'est formidable que toute la presse ait joué le jeu. Maintenant il faut que les livres soient lus, et qu'il y ait des articles de critique littéraire, ici en Suisse mais aussi en France, où Infolio a une attachée de presse pour notre collection.
Du côté des libraires, il n'y a pas encore beaucoup de feed-back, sauf que Payot a choisi deux (voire trois) titres pour sa sélection automnale.
Du côté des éditeurs, certains ont réagi, d'autres pas.

Etre à la fois libraire et éditrice peut-il poser problèmes ? Comment allez-vous conseiller, présenter « votre » collection ?

J'ai toujours été très modeste, et cela ne va pas changer. Je ne vais pas mettre cette collection en avant plus qu'une autre. Ces quatre titres s'inscrivent dans la littérature, c'est tout. Durant toutes ces années, j'ai trop lu « global », et je ne vais pas m'enlever ce plaisir du vaste choix. Simplement, maintenant, quand je lis un livre qui me retient, je peux me dire « celui-là, je l'aurais bien édité », par exemple La main de Dieu de Yasmine Char (cf. Livre du mois février 2008). Tout en sachant que nous n'avons pas les moyens financiers de jouer dans la cour des grands.
Au risque de me répéter, cette collection est née du plaisir de lire, et du partage.

Hasard ou volonté, la naissance de la collection Littérature correspond avec les trente ans de votre librairie à Morges ?

Hasard total. Cette collection a été préparée pendant plus de deux ans, temps qu'il a fallu depuis les premières cogitations jusqu'à la sortie des livres en librairie, qui coïncide avec l'anniversaire de La Librairie.

Libraire, chroniqueuse littéraire, éditrice… bientôt écrivain ?

Jamais !

 

Propos recueillis par Elisabeth Vust

 

Page créée le 23.09.08
Dernière mise à jour le 23.09.08

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