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Hughes Richard

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Depuis septembre 2007, Le Courrier, Culturactif.ch et Viceversa Littérature publient en partenariat des textes inédits d'auteurs de Suisse. Ces textes paraissent un lundi sur deux, et sont disponibles soit sur nos pages, soit en dernière page du Courrier ou sur le site de ce quotidien: www.lecourrier.ch


  Hughes Richard

 

Né en 1934 à Lamboing, dans le Jura, Hughes Richard passe une enfance «farouche et sylvestre», selon ses termes, entre un père horloger et paysan et une mère couturière. Adolescent, il fait deux rencontres déterminantes: avec Francis Giauque, au gymnase, et Blaise Cendrars, sur un quai de gare. Il part alors à Paris, où il résidera pendant une trentaine d’années avant de revenir en Suisse romande. Depuis les années 1980, il exerce aux Ponts-de-Martel (NE) le métier de «libraire en chambre», en publiant deux à trois fois par an un catalogue d’ouvrages épuisés issus de sa bibliothèque personnelle riche de quelque 8000 livres, peut-on lire sur son site www.hughesrichard.ch.
Il se fait également éditeur à l’enseigne de A la Main amie, et préface les œuvres de Francis Giauque, avec lequel il a entretenu une longue correspondance.
Il a publié dix recueils de poèmes, quatre ouvrages de prose et une dizaine de livres autour de Cendrars (voir biblio sélective ci-dessous).
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  Horlogerie minutieuse de la mémoire

I

Nuit sans lune
       Vergers et raidillons déserts
              Bleus de givre au long des lisières

Je partirai par une nuit semblable
       Je partirai par la porte de derrière
              N'est pas né qui brisera mon élan

Quel nom a cette force qui me soulève?
       Et dans l'ombre épaisse qui m'enveloppe
              Qui un jour y glissera sa lumière?

***

II

Au temps de l'auto-stop et des petits boulots
       Parti bien avant l'aube avec cent sous en poche
              Il arrivait que je m'endorme à Arles ou Barcelone

Vagabond de la terre cherchant la main du ciel
       Gouverné par la seule boussole de l'instinct
              J'allais à cœur ouvert vers mes métamorphoses

Un soir ayant jeté l'ancre au bord de l'océan
       Couché sur le sable je dînais d'une orange
              Quand d'une vague s'échouant à mes pieds

Tel un oiseau blanc s'échappa mon premier vrai poème

***

III

Si universel que soit notre génie horloger
       Les Chinois s'en gaussent qui dès leur naissance
              Apprennent à lire l'heure dans l'œil des chats

S'il faut l'en croire Apollinaire se plaisait
       A voir déambuler les siens parmi ses manuscrits
              Tandis que les nôtres procréaient n'importe où

Des portées de cinq à huit et cinq à huit c'est trop
       Aussi pour nous épargner l'horreur de leur trépas
              Maman appelait-elle son frère à la rescousse

Qui sans frapper franchissait bientôt notre seuil
       Sanglé dans son volumineux tablier de boucher
              Et quand il retroussait ses manches ventre-saint-gris!

Quelles débandades dans tous les corridors!

***

IV

Comme les étoiles de la Pléiade longtemps
       Nous fûmes sept à la terrasse du Beau-Rivage
              A attendre l'éclosion de notre première œuvre

Sept comme des apatrides dans ce pays d'horloge
       Où la poésie est si rare que même nos érudits
              Tendent à la confondre avec une fleur exotique

Sept à regarder les vagues qui emportaient nos rêves
       Tandis qu'au Beau-Rivage de cet après-midi
              Je suis seul à m'inonder de ces réminiscences

***

V

Aux alentours de la huitantaine la plupart
       S'en vont incognito pourris par le mal du siècle
              Comme le précise un modeste encadré du journal

Moi bien qu'à l'abordage de cet inéluctable
       Il m'arrive encore descendu de ma nuithonie
              De muser dans les villes de mes folles amours

Dans le silence de leurs ruelles moyenâgeuses
       Très lentement j'avance tandis que sous mes pas
              Trop de voix disparues mystérieusement renaissent

Aux terrasses des rives du lac où ensuite
       S'effeuillent mes après-midi pour convives
              Je n'ai que des souvenirs qui un temps me distraient

Avant de les flanquer dans les remous des vagues
       Et tant pis pour les visages qui remontent des flots
              Puisqu'un seul a su laver mon ciel de tout regret.

Hughes Richard

Retrouvez une note biographique et les publications de Hughes Richard sur nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.

 

Page créée le 25.11.11
Dernière mise à jour le 25.11.11

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