Préface de Pierre-Marie Pouget
Livre d'Heures , de Luce Péclard (Editions du Madrier, CH 1416 Pailly, décembre 2006)

Les figures passagères de l’ici-bas évoquent l’Au-delà, l’Eternel, dans le chant poétique des œuvres de Luce Péclard.

La limite existentielle dévoile notre être faillible, vulnérable, voué à la mort. Elle scelle notre humble condition humaine. Infranchissable, elle ne recule pas devant les progrès des sciences et des techniques. Mais elle signifie l’Au-delà de nous-mêmes, à partir des plus petits événements, comme le bruissement d’un lézard dans l’herbe. Nous traversons alors des “forêts de symboles qui nous observent avec des regards familiers”. Et la poésie devient un frémissement d’éternité, qui monte très haut, dans le “Vaste Ciel”.

Comment une voix si métaphysicienne peut-elle venir se moduler dans la structure du sonnet que d’aucuns jugent légère ? Si la légèreté est grâce, délicatesse, si l’habileté qu’il faut est discipline personnelle, l’étonnement se dissipe et le sonnet se renouvelle. Sa forme moule un corps de sensations et d’émotions, tel un habit pudique.

Le présent recueil, intitulé “Livre d’heures”, est une “couronne de sonnets”. Qu’est-ce à dire ?

Remémorons-nous la définition du sonnet : Poème de quatorze vers dont les huit premiers, partagés en deux quatrains, roulent sur deux rimes différentes. Le premier tercet commence par deux rimes semblables, et les quatre derniers vers sont en rimes mêlées. La pensée qui termine le sonnet doit avoir., quelque chose de frappant. Nous pouvons imaginer de la sorte une “Couronne de sonnets” le dernier vers du premier sonnet réapparaît comme premier vers du sonnet suivant et l’on continue en cette guise, jusqu’au moment où la boucle se ferme, au dernier vers du quatorzième sonnet, identique au premier vers du premier sonnet. Puis, le sonnet maître, le quinzième, se compose du premier vers de chacun des quatorze sonnets de la “couronne”.

Seule la très grande maîtrise de son art permet au poète de relever le défi d’une pareille construction. L’auteur du “Livre d’Heures” a vaincu tous les obstacles, respecté toutes les règles. Nous saluons ce véritable exploit dans la technique de l’écriture poétique.

La rigueur et la solidité de la forme caractérisent le travail d’écriture dans tous les textes de Luce Péclard, mais d’une façon plus particulière encore dans ce dernier recueil, vrai brasier de l’âme. Par ses exigences redoutables, la forme ici choisie crée la distance intérieure à l’égard d’un imaginaire qui, autrement, surgirait comme un volcan en pleine éruption. Au lieu de nous brûler, les flammes de l’éternité se voient peu à peu circonscrites par le fanal du poème; elles se changent en douce et pénétrante lumière d’oraison, en message d’amour. La fervente prière sanctifie les heures, illumine les ténèbres. Elle commence dès que le soir descend, s’accentue à mesure que la nuit s’épaissit. Des matines à laudes, l’orant pérégrine vers les promesses de l’aube. Egrenant les perles de son chapelet, il est certain qu’elles se transformeront en vertes émeraudes.

Un puissant envol d’espérance transporte cette poésie en la prière qui mûrit les cœurs altérés.

Pierre-Marie Pouget

Pierre-Marie Pouget, né en 1941, à Orsières (VS), est l'auteur d'essais philosophiques, de poèmes, de récits, de romans et de nouvelles. Membre de l'Association Ferdinand Gonseth, qu'il préside actuellement, membre de l'Association des écrivains valaisans et de celle des écrivains vaudois, il a publié de nombreux articles. Il donne également des exposés sur des sujets philosophiques et fait des lectures publiques, tirée de ses livres. Il vit alternativement dans le val Ferret et sur les bords du Léman.