La critique littéraire en Suisse

Le 30 avril, Viceversa 2/2008 sort de presse. Parmi les nombreux contenus se trouve un dossier d'enquête et de réflexion sur la critique littéraire en Suisse . En complément à ce dossier, Culturactif.ch propose des entretiens et des réflexions. C'est dans ce contexte que nous présentons les points de vue de nombreuses personnalités littéraires. Nous avons également interviewé dans ce cadre nos invités des mois d'avril, mai et juin 2008 : Manuela Camponovo, critique au Giornale del Popolo (Lugano) et Isabelle Rüf, active depuis de nombreuses années dans les colonnes du journal Le Temps (Genève). Dès juin, elles seront rejointes par Charles Linsmayer, critique, éditeur et publiciste de Zurich.

 

La critique littéraire en mutation
par Erica Benz-Steffen

« Nous avons la critique littéraire sur le dos, c'est elle qui nous dicte notre chemin. » On doit cette citation au poète, traducteur et critique littéraire anglophone Michael Hofmann. Il l'a prononcée en 2007 à Munich, lors d'une rencontre internationale, au cours de sa conférence consacrée au thème « La critique littéraire et le public littéraire : une comparaison européenne ». Il se référait à l'espace anglo-saxon, dans lequel la critique littéraire a encore sa place dans les journaux bien établis.
Ce n'est pas le cas en Suisse. La mutation des pages culturelles a modifié la place de la critique littéraire. Dans les quotidiens sa place diminue, les thématiques populaires supplantant les thématiques traditionnelles.
En Suisse alémanique, ce phénomène a commencé il y a plusieurs années : le nombre de pages culturelles diminue, les revues littéraires modifient leur concept ou disparaissent – les exceptions venant confirmer la règle.
Lorsque l'on pense que les seuls éditeurs suisses publient chaque année 2000 titres, en tant que lecteur, on se demande comment se retrouver dans cette jungle. On a besoin de sélection et d'orientation pour pouvoir dénicher « l'aiguille dans une botte de foin ». C'est ici que commence le rôle du critique.
En plus des pages culturelles des journaux les plus importants, le lecteur dispose aujourd'hui de nombreuses autres sources d'informations, de la télévision à Internet. Il peut même devenir « critique littéraire » et transmettre sur la toile, par exemple sur amazon, ses opinions personnelles et généralement dénuées de toute connaissance de fond. Il est évident que ces nouveaux modes d'expression provoquent des baisses de qualité et ne sont pas vraiment révélateurs. Lors d'émissions de télévision, on se demande souvent si la mise en scène du critique ne prime pas sur le livre. De toute façon, ces émissions doivent avoir un bon potentiel de divertissement. La télévision affectionne également les critiques de style télégraphique : « lu, pleuré, satisfait, formidable », un parfait marketing pour les maisons d'édition. Ces raccourcis n'étonnent guère à l'époque où on lit les classiques sous la forme de condensés.
Ce n'est pas pour accabler la tentative des critiques d'élargir le public des émissions littéraires afin de, peut-être, augmenter le nombre de lecteurs. Mais on pourrait espérer plus que de simples slogans vendeurs.
Le mot « vendeur » mène directement au marché du livre qui a lui aussi radicalement changé. Aujourd'hui, si l'on veut vendre des livres, il faut les mettre en évidence. La voie la plus directe vers de bonnes ventes reste les listes de best-sellers où, cependant, seuls les premiers classés peuvent espérer retenir l'attention. Le tapage autour d'un auteur fait le reste. Cette évolution a également influé sur l'espace de jeu et le rôle du critique.
A ce propos, la célèbre critique Sigrid Löffler parle d'une division du marché du livre. Elle affirme que les maisons d'édition publient deux types de livres : les livres d'entreprise et les livres pour la presse. Les premiers sont plus ou moins assurés de succès et se passent de la critique pour être lancés sur le marché. Les seconds ont eux besoin de la critique pour espérer retenir l'attention. En exagérant à peine, on peut affirmer que le critique n'est plus libre de ses choix, l'éditeur ciblant les livres qu'il lui destine.
Aux personnes concernées d'estimer à quel point ce nouvel état de fait concerne la Suisse. Pour ma part, je ne pense pas que la situation soit si dramatique. Mais cela mériterait discussion.
La liste des changements, en général d'ordre négatif, est encore longue – d'autres contributions en témoignent.
Tous les auteurs de cette édition de Viceversa qui se sont exprimés sur la situation de la critique littéraire en Suisse semblent se retrouver sur un point : le besoin d'un modèle littéraire composé de nombreuses voix indépendantes. Il faut une alternative à l'évaluation commerciale des livres – qui est trop souvent prise pour de la critique littéraire. Un jugement professionnel des livres est indispensable pour le lecteur qui refuse que ses choix soient dictés par le marché (la littérature suisse n'en aurait que plus de poids !). Il vaut la peine de se demander ce que l'on peut faire pour préserver une critique littéraire digne de ce nom.

Erica Benz-Steffen, directrice jusqu'en 2007 du département Littérature et société auprès de Pro Helvetia ; depuis 2008, coordinatrice d'un projet de traduction commun à l'Autriche, l'Allemagne et la Suisse pour l'Europe du Sud-Est.

Traduction : Sandrine Fabbri

 

Le respect, Mesdames et Messieurs, je demande le respect
par Ricco Bilger

« Pour le premier, c'est le plus dur et lorsque ses forces sont épuisées, c'est un autre de la même troupe qui passe en avant. De ceux qui doivent suivre les traces, chacun doit, même le plus petit et le plus faible, marcher sur un minuscule emplacement de neige vierge et pas dans les traces des autres. Ce ne sont pas les écrivains qui viennent sur les tracteurs ou les chevaux, mais les lecteurs. » Avec ces lignes, l'écrivain soviétique Varlam Chalamov (1907-1982) termine le prologue des Récits de la Kolyma , écrits après son retour d'un camp de la région de Kolyma.
La surface est un paysage vierge, qui s'enfonce dans la neige. Un tapis de neige tissé des récits racontés par l'homme lorsqu'il connaît une histoire et qu'il a trouvé une langue pour la dire. Si nous regardons plus attentivement, nous découvrons que cet homme est un écrivain et qu'il a derrière lui une suite. Je n'ai jamais mieux entendu parler de cette caravane que par Varlam Chalamov. Pour pénétrer le grand blanc, il faut se frayer un chemin et le premier qui le suit y perd la plupart de ses forces. Pas après pas, il écrit des lignes invisibles dont la fin n'est pas prévisible. Il place lui-même ses repères. Pour ceux qui suivent, c'est plus aisé. L'éditeur suit aveuglément ; il fait une confiance aveugle à l'écrivaine dont il a décidé qu'elle le mènerait du désert à la mer. Lui, grandi de quelques centimètres, est toujours prêt à faire les premiers pas dans la neige, conscient de pouvoir transformer les traces en chemin. Les lecteurs et les correcteurs tirent une petite luge sur laquelle se trouvent du thé et des biscottes. Le blizzard glace la surface blanche. Pantalons, vestes et chemises sont élimés. La fumée de cigarettes roulées avec des brindilles et de la mousse monte dans un ciel morne et livide.
Puis un petit pulk [ régiment de cosaques, NdT ] de quatre ou cinq hommes, chaudement emmitouflés dans des fourrures de rentier-éléphant de mer. Ils suivent les traces. Ils savent que, seuls dans la toundra, ils seraient perdus. Ce n'est pas la première caravane à laquelle ils se sont rattachés. Ils savent aussi qu'ils n'arriveront nulle part s'ils n'apportent pas leur contribution. Ce sont des accompagnants, pas des passagers. Ils sont responsables. Certains d'entre eux marquent de leurs traces quelques verstes lorsque l'écrivaine semble à bout de forces. D'autres entrent dans les traces, le chemin, nomment la voie, placent des repères. D'autres encore résument, rassemblent les pages qui recouvrent les traces de l'écrivaine, les relient et, entre peau et fourrure, les mettent en sécurité. Ils ne sont pas seuls. Ils s'appellent critiques, ce sont des critiques littéraires. Leurs joues rondes sont rouges de passion et leurs yeux brillent d'excitation, une feuille perdue dans la remorque de la poétesse pourrait leur échapper. Ils savent que les lecteurs qui viennent sur des tracteurs et des chevaux, faisant aveuglément confiance à ceux qui indiquent la voie, sont prêts à suivre les traces de l'écrivaine. La grande et sage déesse a créé les critiques pour cette seule et unique raison : qu'ils examinent avec attention la profondeur des pas de la poétesse et voient s'ils tournent en rond ou s'ils conduisent à la mer.
Les critiques mettent leurs pieds dans les traces des autres. C'est leur tâche. Pour pouvoir la remplir, il faut éminemment respecter celui qui a laissé les traces comme celui auquel elles ouvrent la voie, soit le lecteur.
En quelques phrases, Varlam Chalamov a dit tout ce qu'il y a à dire sur la critique. Dans un pays, à une époque où le respect est devenu la vertu la plus grande et celle qui fait le plus défaut.

Ricco Bilger est éditeur (bilgerverlag) et libraire (sec52) à Zurich et président de la plate-forme des maisons d'édition indépendantes de Suisse (Swiss Independant Publishers, www.swips.ch ).

Traduction Sandrine Fabbri

 

La critique littéraire miroir de la littérature
par Claude Frochaux

La critique littéraire est un écho, un miroir, un reflet de la littérature elle-même. Et, en Suisse romande, comme, d'ailleurs, partout en Europe occidentale, la littérature se porte mal. Il est donc normal que la critique ne soit pas dans sa meilleure forme. Ce n'est pas de sa faute : elle regarde, elle suit, elle rend compte, elle constate. Peu à peu, marketing aidant, son espace rédactionnel diminue. Il n'y a pas effacement : elle pâlit simplement. A tous les niveaux : moins d'engagement, moins d'enthousiasme ou de passion. Moins de concentration. La vraie littérature « littéraire » doit composer avec la sociologie, l'anecdote, la pipolisation, la situation géo-idéologique, le commerce. Ce qu'il y a autour d'un livre ou d'un auteur devient l'objet central du commentaire. D'où vient tel auteur, quelle est son inscription dans le paysage politique ou culturel, qui ou quoi représente-t-il, quel âge a-t-il, quelle est sa profession, pourquoi parle-t-il de tel sujet, quelle est sa légitimité pour en parler ? On est autour du livre plus que dedans. On a parfois l'impression que l'exercice consiste à parler d'un livre sans en parler. Comme si, à force d'en faire le tour, on pouvait parvenir à ne pas l'ouvrir.
Le pauvre critique littéraire contemporain est pris entre deux feux. Il se rend bien compte que la littérature n'est pas ou n'est plus au centre des préoccupations de ses lecteurs. D'un autre côté, tradition oblige et l'obligation de défendre des valeurs reconnues, il faut continuer. Tous les chemins de traverse, dès lors, sont bons à prendre. Il y a la BD, le polar, la SF, les nouveaux moyens d'expression, les rapports avec le cinéma, la TV, les événements médiatiques, les prix, tout est bon pour échapper à ce pensum : se frotter vraiment à un livre, suivre un auteur dans sa création, servir de passerelle entre lui (l'auteur) et l'éventuel lecteur à venir. Mais n'accablons pas les critiques. La littérature a toujours eu les critiques qu'elle méritait et il serait indécent de leur demander de porter sur leurs épaules une littérature qui a perdu ses Lettres de noblesse.

Claude Frochaux est né en 1935. Libraire puis éditeur dès 1968 à l'Age d'Homme, il est écrivain (romancier et essayiste) et vit à Lausanne.

 

Le vent de la critique, par-delà la contingence
par Gilberto Isella

Lieu d’interprétation fluctuant entre la philologie et les sciences humaines (l’esthétique en premier lieu), la critique littéraire a toujours eu beaucoup de peine à préserver son autonomie. Elle semble destinée à rester « sans qualité » par manque ou excès de qualité. Avoir dépassé l’idéalisme selon Benedetto Croce lui a permis d’accueillir les disciplines les plus diverses. Aujourd’hui, ces dernières ne se privent pas d’en profiter, ce qui risque d’engendrer des niches autoréférentielles inutiles – reflétant peut-être en cela la tendance actuelle du livre à vouloir être un corps hétérogène, lieu de l’interdiscursivité.
La critique a en effet tendance à créer d’innombrables espaces de résonance au sein de l’œuvre qu’elle examine, ce qui permet des digressions et un perpétuel ajustement du registre locutoire. Sa liberté est telle qu’elle n’a même pas été remise en cause par le structuralisme – créateur du binôme « transparence textuelle / rigueur du code critique ». La lecture interprétative est libre, comme le dit Blanchot, parce que « l’œuvre est encore cachée, absente peut-être radicalement, dissimulée en tout cas, offusquée par l’évidence du livre, derrière laquelle elle attend la décision libératrice, le Lazare, veni foras » [In L’Espace littéraire, titre du passage : Lazare, veni foras, NdT]. Cette déclosion [La Déclosion (déconstruction du christianisme 1), de Jean-Luc Nancy, deux chapitres consacrés à Blanchot, NdT] de l’œuvre est solidaire d’un acte intentionnel tendu vers la révélation de l’autre : non pas le biographème générique mais la parole habitée du visage de l’auteur. Et si le circuit herméneutique trouve son plus grand point d’impact dans l’autre sujet, contenu dans l’écriture, l’interrogation initiale ne peut qu’être traversée par des dynamiques spéculaires.
Cela mène à ce qu’on appelle le pacte auteur-lecteur : empathie, complicité éthico-esthétique, dans le meilleur des cas exempte de narcissisme, corroborée au contraire par le sentiment d’appartenance à des événements historico-existentiels communs (voir l’approche « cathartique » de la narration d’un Primo Levi). L’acte critique authentique vise par principe à l’homogénéité des buts – qui convergent vers le relevé d’une forme d’altérité – dans la conscience que l’approche d’une œuvre est toujours un processus asyndétique. Cela dit, il y a des lecteurs exceptionnels (de Benjamin à Blanchot et à Praz), capables de repérer la pluralité des filons de sens dévoilés par des formules critiques « universalisantes ». L’important est que ces dernières ne deviennent pas des fétiches ou des lieux communs mais que, justement en raison de leur propre richesse, elles puissent favoriser la poursuite de l’événement herméneutique.

Gilberto Isella est critique littéraire (notamment dans le domaine poétique) et collabore à des quotidiens et revues tessinois ; il est l’auteur de nombreux livres en vers et de traductions du français.

Traduction Sandrine Fabbri

 

Le libraire, entre critique et publicité
par Edy Mombelli

Il y a de plus en plus de livres qui circulent d'eux-mêmes, précédés par un immense battage publicitaire , parfois publiés simultanément dans différents pays voire avec une commune image en couverture ( on pense à Isabel Allende ). Ceux-là n'ont pas besoin de l'« aide » d'un libraire pour arriver sur la table de chevet du lecteur. Il y a les livres que l'on trouve un peu partout, même dans les grandes surfaces et qui caracolent en tête de liste dans le monde entier, faisant ainsi la fortune des grandes chaînes de librairies, des éditeurs et, bien évidemment, des auteurs . Leur arrivée sur le marché est souvent accompagnée d'événements qui ne sont pas forcément littéraires comme on a pu le voir récemment lors de la sortie du dernier épisode de la saga Harry Potter.
Le libraire indépendant , tout en se fiant à la critique pour repérer ce qu'il y a de bon dans la déferlante des nouvelles publications ( qui atteignent 30'000 titres par année pour le seul domaine italien ) autant que pour se forger sa propre opinion, est le chaînon manquant entre le livre et le lecteur exigeant – ce dernier étant celui qui a encore le temps et l'envie de se rendre dans une petite librairie, d'examiner avec curiosité les couvertures et leur dos et de demander conseil. Avec le temps, le libraire développe un instinct qui le guide vers les bons ouvrages – peut-être aussi guidé par la critique – et il peut même arriver à créer ses propres petits effets littéraires influençant ainsi ses clients-lecteurs . C'est le temps dont il dispose et qu'il met à disposition qui lui permet cette recherche des bonnes œuvres ; il n'est mû ni par les seuls impératifs de vente ni par les pressions du client. Il travaille ainsi parce qu'il est motivé par un idéal et non pas soumis à la rapidité du marché. J'ai publié des recueils de poésie pour une petite maison d'édition qui porte le nom de ma librairie tout en sachant pertinemment que la poésie se vend très mal. Mais ces parutions sont des pages précieuses qui donnent d'une certaine façon une caution poétique à ma librairie . En sus des pages culturelles des quotidiens tessinois, je lis l'hebdomadaire Azione pour ses précieuses pages littéraires. Pour ce qui est de l'Italie, je lis le supplément dominical de Il Sole 24 Ore , le samedi Tuttolibri dans la Stampa de Turin  ; je lis aussi La Repubblica et La Talpa dans Il Manifesto , ainsi que le mensuel Poesia et, tous les deux mois, Pulp , destiné aux moins de dix-huit ans.

Edy Mombelli dirige à Chiasso la librairie « Leggere » qui a édité des recueils poétiques.

Traduction Sandrine Fabbri

 

De la critique littéraire
par Karin Schneuwly

Si, aujourd’hui, en matière de critique littéraire, on devient moins voyeuriste et plus intellectuel, c’est plutôt bien…

Karin Schneuwly travaille à la Literaturhaus de Zurich (Maison de la littérature).

Traduction Sandrine Fabbri

 

Le bibliothécaire et la critique littéraire
par Laurent Voisard

Le bibliothécaire joue un rôle particulier dans le monde du livre. Il est un maillon de la chaîne, mais il est à la fois acheteur et vendeur, demandeur et prescripteur. Il occupe la place enviable de médiateur. Il côtoie son public et connaît ses goûts. La difficulté du travail du bibliothécaire n'est pas tant la prescription, puisqu'il arrive la plupart du temps à faire correspondre le contenu de livres qu'il se doit de connaître, mais plus de repérer, dans la profusion des titres du marché, ces fameux romans incontournables. A l'instar de l'écrivain, le bibliothécaire n'est obnubilé que par une chose : qu'un roman trouve son lecteur, que le livre soit lu et si possible apprécié. Chaque livre a son lecteur, fut-il unique, et le bibliothécaire aime se donner le temps pour que la rencontre s'opère. Il n'a pas de pression économique immédiate. Le livre, sur son rayon, peut attendre sereinement son lecteur. Un bibliothécaire expérimenté connaît les auteurs, les éditeurs, les collections, il fait confiance à son flair. Il est aidé aussi par son cousin le libraire avec qui le profane le confond souvent. Mais il s'appuie aussi sur la critique littéraire pour élargir ses choix. En Suisse romande comme partout ailleurs la critique fait ce qu'elle peut face à la surproduction littéraire. Elle essaie de garder la tête hors de l'eau, recommande souvent, casse rarement – exception faite des auteurs romands et des grosses pointures attirées par une soudaine facilité – mais, dans ce brassage nécessaire à sa survie, la critique évacue la grande marée de la production qui la noierait. Une critique sous influence, des libraires et des bibliothécaires submergés offrent à des lecteurs souvent pressés des « digérés » de stock dont le roulement nous écrasera finalement tous. Moi, lecteur, j'ai pris l'habitude de faire confiance à quelques « renifleurs » de talents qui sévissent en Suisse romande et en France. De toute évidence personne ne peut tout lire, et le repérage conjoint de la critique, du libraire et du bibliothécaire est le seul salut du lecteur.

Bibliothécaire de formation, Laurent Voisard est actuellement directeur de Bibliomedia Suisse à Lausanne, la bibliothèque des bibliothèques.